Propos de Galla Bridier, Adjointe Seniors et autonomie à la Ville de Paris, conseillère métropolitaine.
Quelle est la part et la place des seniors à Paris ?
La population des seniors à Paris est très hétérogène. L'appellation « senior » commence à 60 ans et couvre une large période, puisque nous vivons de plus en plus longtemps. Il y a environ 3 000 centenaires à Paris, pour une population totale de 470 000 seniors représentant à elle seule 20 % de la population parisienne.
Cette population passera à 30 % en 2030, augmentant de 10 % en un peu plus de dix ans seulement. La politique publique qui en découle ne peut se faire d'un seul bloc, car entre 60 et 100 ans, les gens ont des aspirations, des actions, des besoins, des usages de la ville très différents d'un individu à l'autre. Notre volonté est de nous occuper des seniors très actifs (qui œuvrent par exemple pour la vie de la cité ou qui peuvent être aussi des aidants familiaux), jusqu'aux seniors dépendants qui ont besoin de vieillir dans de bonnes conditions.
Les premières années post-retraite à Paris, avec l'hypothèse d'une retraite convenable et bien préparée, sont assez qualitatives : l'offre est large et les services nombreux. Nous avons maintenu l'Université permanente de Paris, une université populaire offrant des conférences et des cours gratuits aux seniors dès 55 ans.
Il existe également 60 clubs de loisirs sur l'ensemble du territoire, qui proposent beaucoup d'activités manuelles, sportives, de multimédia ou culturelles. L'offre sportive, par exemple, est saturée tant elle est prisée. Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, les seniors quittent la capitale beaucoup moins qu'autrefois ; notamment grâce à cette offre de services disponibles.
Quelles sont les actions de solidarité intergénérationnelle et de lutte contre l'isolement que vous menez à Paris ?
Nous avons élaboré à partir de 2016 le Schéma des seniors, une feuille de route validée par le Conseil municipal en juin 2017 et co-construite avec les seniors : 200 volontaires ont accepté de travailler sur la démarche. L'axe central évqoqué est la solidarité intergénérationnelle. Les seniors souhaitent transmettre leurs savoir-faire aux jeunes générations.
Aussi, plusieurs associations ou start-up sociales se créent pour favoriser l'intégration des plus âgés dans la société. Les Talents d'Alphonse, par exemple, est une plateforme collaborative qui favorise le transfert entre les générations de savoir-faire (garde d'enfants, cours de musique, aide aux devoirs, etc. ) à un tarif abordable. En matière de projets d'habitat intergénérationnels, il y a, à Paris, 3 000 logements sociaux sous-occupés par des seniors de plus de 65 ans. J'ai donc proposé d'accompagner la création de binômes seniors-étudiants pour répondre à cet enjeu majeur. Plusieurs milliers de Parisiens attendent l'accès à un logement social, et les étudiants sont les premiers touchés par le prix de l'immobilier. Par ailleurs, les personnes âgées souffrent souvent d'isolement. Ce binôme pourra créer du lien et favoriser l'accès au logement. Nous réalisons actuellement une campagne de porte à porte pilotée par des associations, afin de présenter le projet aux seniors. Concrètement, le jeune s'acquitterait d'une participation aux charges d'un montant maximum de 180 euros par mois ; à laquelle s'ajouterait un service rendu à la personne (portage de courses, repas, etc. ), le tout encadré par une association. Trois cents binômes existent déjà à Paris, plutôt dans l'habitat privé. Une autre action phare est le service d'accompagnement des seniors afin de lutter contre l'isolement. Certaines études montrent que la fracture sociale intervient à partir de 75 ans, à la suite notamment de la perte d'un conjoint, ce qui contribue à renforcer l'isolement.
L'association Les Petits frères des pauvres estime qu'une personne sur quatre (chez les plus de 75 ans) vit seule. Un chiffre qui est passé de 16 % en 2010 à 27 % en 2014. C'est malheureusement un phénomène qui prend de l'ampleur dans nos sociétés individualistes et dans une logique de métropolisation, où la place des seniors est compliquée.
Dans les grandes villes, les personnes âgées souffrent du décalage de rythme, notamment lorsqu'elles ont du mal à se mouvoir. Elles craignent d'être bousculées, de tomber ; elles ont peur de sortir, ce qui les isole encore davantage. L'idée est de créer un réseau de bénévoles qui pourrait les aider dans leurs activités quotidiennes extérieures : aller chez le médecin, prendre un train, etc. L'objectif étant de maintenir une qualité de vie pour tous les seniors à Paris.
Quelles sont les pistes d'amélioration à apporter selon vous ?
Les seniors ne prennent que le bus car le métro est difficilement accessible. La mobilité urbaine concerne la Région, ce sujet serait intéressant à travailler. Autre sujet d'ordre national : la place des aidants dans la société. Peu reconnus, ils sont pourtant 11 millions en France à porter assistance à un proche ou à un membre de leur famille. Ces aidants vivent dans des conditions difficiles, ils souffrent pour beaucoup d'isolement, de stress, de fatigue, etc. , et leur espérance de vie est inférieure à celle de ceux qu'ils aident. Il serait nécessaire de développer des solutions pour les soutenir.
⇒ Entretien paru dans Ecologik 59 | Sport : l'écologie à portée de tous actuellement en kiosque
⇒ Lire l'interview d'Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé sur les seniors en ville