À la fin des années 1990, Stockholm est confrontée à une pénurie de zones constructibles incitant la Ville à récupérer et dépolluer une zone portuaire de 200 ha pour y ériger un vaste ensemble de logements. Situé sur la rive sud du canal de Hammarby, à 5 km du centre-ville, la construction du village olympique est d'abord prévue, avant d'être remplacée, suite au rejet de la candidature de Stockholm, par un projet vitrine dans la continuité de la politique municipale de préservation de l'environnement. La Ville convainc, à coups de subventions, les promoteurs d'y investir et convoque différents partenaires : compagnies communales (eau, énergie, déchets), associations de défense de l'environnement, instituts de recherche, comité de planification urbaine, habitants, etc. Proche d'une réserve naturelle, le quartier combine zones industrielles et commerciales afin d'éviter l'effet « banlieue-dortoir ». Il peut accueillir jusqu'à 28 000 occupants pour 11 000 unités d'habitations et ainsi générer 8 000 nouveaux emplois. C'est une véritable stratégie de « ville verte compacte » que la municipalité propose, au sein d'une région urbaine maillée : un noyau central lié à un réseau performant de transports en commun et de larges espaces verts et de détente pour le plaisir et le confort des usagers.
Un quartier durable exemplaire
Après une décennie de travaux et une autre de fonctionnement, Hammarby Sjöstad fait partie des quartiers durables les plus exemplaires d'Europe. Véritable « sociotope » - tel que l'a cartographié l'urbaniste suédois Alexander Ståhle -, le quartier parvient à allier une densité urbanistique à un cadre de vie désirable grâce à la qualité de ses espaces publics, l'intégration de la nature et ses infrastructures écologiques. Soutenus par une technologie de pointe, les concepteurs ont su y développer diverses innovations pour atteindre les objectifs fixés en matière d'efficience énergétique, soit une réduction de 50 % de l'impact environnemental par rapport aux autres constructions de la ville. Du début de sa conception à son usage de croisière, le projet se base sur un modèle d'éco-cycle censé rendre autonome le quartier tout au long de son cycle de vie. Le cas de Hammarby est particulièrement remarquable dans sa phase de réalisation des travaux. Une plateforme logistique commune aux promoteurs et entreprises a permis d'optimiser l'approvisionnement et la gestion des déchets et de mutualiser les transports afin de réduire les nuisances afférentes (bruit, pollution de l'air, poussières). Les bâtiments sont faits de matériaux sains, renouvelables et recyclés - pour la plupart de fabrication locale -, et certifiés favorables pour l'environnement. L'eau, abondante et bon marché en Suède, est omniprésente. Elle est intégrée dans le projet en tant qu'élément participant du paysage urbain, mais également en tant que ressource naturelle à préserver. La consommation d'eau potable par personne a été réduite de près de 60 %, compensée en partie par la récupération des eaux pluviales. Les eaux de ruissellement et les eaux usées sont traitées séparément, les matières organiques qui en sont extraites sont transformées en résidu solide, émettent du biogaz destiné à la production de chaleur et à l'alimentation des cuisinières. Bien que limités par la courte période d'ensoleillement en hiver, des panneaux photovoltaïques viennent renforcer la production d'eau chaude. Les déchets sont triés et évacués (à une vitesse de 70 km/h !) par un système souterrain, laissant les aires de regroupement propres et inodores. En vue d'être récupérés et recyclés, ils sont acheminés vers des centres de stockage en périphérie du quartier. L'absence de camion rend ainsi l'espace urbain plus sûr tout en réduisant la largeur des rues.
Sensibilisation environnementale
Si Hammarby est conçu pour minimiser les dépenses énergétiques, il ne peut obliger sa population à en faire de même. À l'origine, le quartier ne vise pas un public sensibilisé, mais plutôt des retraités ou des personnes âgées encore actives, qui se révéleront finalement être principalement de jeunes familles avec enfants. L'argument « village éco » est vite retiré des prospectus de peur de devoir signer un « contrat » écologique. Pour l'y aider, la GlashusEtt, centre d'information installé au cœur du quartier, organise expositions et visites et distribue plusieurs fois par an des brochures d'information. On y apprend le fondement des gestes écoresponsables, de la rationalisation de l'usage des appareils ménagers à celle des transports. Dès le début de la planification du projet, une politique des transports en commun a été intégrée, incitant à utiliser le tout nouveau tramway, les bus (alimentés en biogaz), les ferries, ou à emprunter les nombreuses pistes cyclables et promenades verdoyantes. Côté voiture, le nombre de places de stationnement a été volontairement limité, au profit de voitures partagées séduisant de plus en plus de familles. Politique bénéfique laissant les chiffres parler d'eux-mêmes : en 2015, les voyages en transport en commun, à pied ou à vélo, atteignaient 90 %, et le parc de véhicules, fonctionnant au biogaz ou à l'électricité, 25 %.
Quasi autonome, aisément relié au centre de Stockholm et comprenant toutes les infrastructures nécessaires (écoles, crèches, maison de retraite, bibliothèque, commerces, restaurants, bureaux, etc. ), le quartier de Hammarby Sjöstad est une ville dans la ville.
Agréable par sa diversité, à la fois champêtre et urbain avec son architecture internationale de qualité (construite par une vingtaine d'entreprises différentes), il attire une population dynamique profitant d'un cadre de vie unique. Il est aussi très convoité, faisant monter les prix des appartements. Ici, comme ailleurs, vivre dans un écoquartier reste sujet à la spéculation ordinaire…
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