Dominique Lefebvre
Président de la Communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise
Comment est venue l'ambition de renverser l'image du territoire en prenant comme levier le développement durable ?
Quand j’ai été élu maire de Cergy-Pontoise (95), en 1996, je me suis retrouvé avec un risque fort de paupérisation, lié en partie au fait qu’il y a plus de 40% de logements sociaux à Cergy. Les villes nouvelles ont été bâties sur le principe de la mixité sociale, mais ce n’est pas un équilibre naturel. Quand j’ai pris la mandature, c’était à la fin de l’Opération d’Intérêt National sur les villes nouvelles, et je n’ai pas eu d’autres choix que de relancer la construction massive de nouveaux logements sur Cergy Pontoise pour apporter de la mixité. Dans les années 2000, on construisait à Cergy entre 500 et 600 logements par an dans une ville qui comptait 52 000 habitants. Aujourd’hui, nous produisons 2 000 logements par an. Nous avons fait le choix à l’époque d’agir par densification des centres et des gares, en votant en parallèle des schémas directeurs qui ont protégé les franges de l’agglomération se trouvant aux portes du Vexin. Nous avons cherché à montrer que ce modèle de ville relève un certain nombre de défis : pas seulement celui de la mixité sociale, mais aussi celui de la sécurité, de la densification pour contenir l’étalement urbain et de la réalisation de progrès importants en matière de construction de logements pour aboutir à une meilleure performance énergétique. C’est pour cela que nous avons reçu tout récemment le Prix Énergie Citoyenne qui, depuis 2009, récompense les stratégies énergétiques et montre que développement durable et développement urbain ne sont pas antinomiques, au contraire, c’est même un levier pour le territoire. Nous n’aurions jamais mené les actions que nous avons engagées dans le réseau de chaleur, par exemple, si nous n’avions pas été dans une dynamique de développement et de densification.
Avez-vous rencontré des difficultés ou des freins particuliers pour y parvenir ?
La difficulté était de lever les obstacles politiques et d’apporter un nouveau développement urbain dans l’agglomération, ce qui est aujourd’hui acquis. Au fil du temps, les débats se sont éteints. Aujourd’hui, nous sommes sur un projet de Grand Centre à Cergy-Préfecture, où nous allons passer de 5000habitants aujourd’hui à 10000habitants en 2028, avec la création de 3000 logements et de 3 000 emplois supplémentaires, ainsi que 16 ha d’espaces paysagers pour renouer avec le principe fondateur de la ville nouvelle. Tout cela est aujourd’hui intégré et compris par les habitants. Ils le voient comme une réponse aux dégradations qu’ils peuvent observer dans leur quotidien, ou à certains déséquilibres sociaux présents sur le territoire. Cela permet de moderniser la ville. Je pense que du point de vue du développement durable, c’est ce que l’on pouvait faire de mieux dans les circonstances actuelles. La ville nouvelle est souvent perçue comme la ville à la campagne. En densifiant, le pari était de bien respecter la trame verte et bleue – en particulier la boucle de l’Oise qui traverse l’agglomération –, et de laisser des espaces verts présents sur l’ensemble du territoire. Densifier ne veut pas dire supprimer ces espaces.
Quels sont les résultats obtenus et les projets que vous trouvez particulièrement réussis ?
Le Prix Énergies Citoyennes 2018 nous a récompensés pour la reconstruction de l’éclairage public. C’est un programme pour lequel la décision n’a pas été facile à prendre car cela engageait 120millions d’euros d’investissement, avec un Partenariat Public Privé (PPP). Mais nous avons gagné ce pari et nous avons réussi à atteindre aujourd’hui 30% d’économie d’énergie. L’autre grand résultat concerne le réseau de chaleur urbaine qui est en délégation de service public. Grâce à la chaufferie biomasse qui alimente 70 000 habitants, nous sommes passés à plus de 60% d’énergies renouvelables et fatales, et nous devrions pouvoir atteindre 70% d’ici quelques années, avec un prix d’énergie qui restera très en-dessous du marché.
Comment voyez-vous l'avenir de l'agglomération dans les vingt prochaines années ?
Ce sera un grand pôle d’équilibre dans la Région Île-de-France. La moitié des actifs travaillent aujourd’hui sur le territoire, et c’est un enjeu de développement durable qu’il faut réussir à maintenir. Il faut également préserver la nature dans nos franges. Notre agglomération jeune aura réussie à préserver ces équilibres ville nature, ces équilibres sociaux, la mixité sociale et culturelle adossée à une forte attractivité. Un autre grand défi pour les années à venir est la question des transports et des mobilités. Sans oublier l’enjeu capital pour tous : la rénovation énergétique des logements existants, qui datent des années 1970 et sont très énergivores. La question de la rénovation énergétique du parc de logements sociaux et des copropriétés modestes est d’ailleurs un défi national dont doit s’emparer l’État !
► Entretien paru dans Ecologik 61 : Au-delà de la performance énergétique