Rédigé par Marie-Hélène Contal | Traduits par Florelle Prévot | Publié le 22/11/2017
Votre studio est connu pour ses jardins d'enfants. Avez-vous travaillé avec des experts, spécialistes de la méthode Montessori par exemple ?
En effet, nous avons conçu toutes les écoles avec le même client, Sekiichi Kato, qui est selon moi l'un des grands penseurs de l'éducation, peut-être le quatrième après Rudolf Steiner, Célestin Freinet et Maria Montessori. La méthode Montessori a été conçue pour des enfants handicapés, alors que Sekiichi Kato souhaitait travailler sur l'environnement physique et spatial pour tous les enfants.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
C'est le designer Kashiwa Sato qui me l'a présenté, le directeur de l'école Fuji, en 2002. Depuis, nous travaillons ensemble pour améliorer la conception et le design de ses écoles. Quand nous nous sommes rencontrés, il ne savait pas encore comment mener son concept à terme, c'est-à-dire comment le traduire dans l'espace.
Pouvez-vous citer d'autres personnes avec qui vous avez eu ces échanges intellectuels et expérimentaux au sein du projet ?
Je souhaiterais mentionner Tsutomu Ohashi. Le docteur Ohashi est un biologiste moléculaire, compositeur, et un neuroscientifique renommé pour ses incroyables recherches sur les effets des sons hypersoniques sur l'homme. Il a plusieurs centres d'intérêt, dont les sciences environnementales. En 1974, il a fondé Geinoh Yamashirogumi, un collectif musical japonais regroupant des centaines de personnes différentes, parmi lesquelles des journalistes, des médecins, des ingénieurs, des étudiants, des hommes d'affaires, etc. Il est président de l'Institut Yamashiro pour la science et la culture et directeur de la Fondation pour l'avancement des sciences internationales. Avec son laboratoire, Akiva, nous formulons l'hypothèse que le silence, l'absence de bruits de fond qui règne dans les écoles modernes est un facteur d'autisme. Dans le jardin d'enfants Fuji, ces bruits de fond existent au contraire, naturellement, parce qu'il y a peu de cloisons et que les sons peuvent circuler entre les espaces.
Diriez-vous que l'architecte ne peut innover seul ?
Effectivement. Je suis très attaché à ces échanges au long cours, tant sur le plan des savoirs que des relations de travail. Je sais par expérience ce que signifie travailler seul ; c'est travailler en se limitant à ses propres capacités. À titre d'exemple, Sekiichi Kato a créé un établissement d'enseignement privé et c'est pour cela que nous n'avons pas respecté les standards gouvernementaux. Mais l'école Fuji a reçu d'importantes récompenses, et maintenant nos innovations sont disséminées. Nous changeons la norme.
L'architecture n'est pas un simple objet. À quelle échelle vos projets exercent-ils leur (bonne) influence ?
Je ne veux pas me limiter à l'approche locale. Je m'adresse à l'universel ! Je souhaite étendre notre influence à partir de la pratique. Nos projets sont petits, mais c'est un début, et ils permettent une première dissémination. L'enseignement est une activité qui compte beaucoup pour moi. Il m'a permis d'élargir mon univers, et c'est une source de profonde satisfaction. Je suis contacté chaque semaine par des professionnels de l'éducation un peu partout dans le monde.
Qu'en est-il de la relation avec la matière architecturale ? Le bois semble être votre matériau favori, certainement pour des raisons écologiques ?
Pas vraiment. Ma quête est large : comment peut-on faire partie de la nature ? Comment connecter l'intérieur avec le paysage, la lumière ? Comment supprimer les murs ? Comment utiliser l'air, la lumière et les matériaux bruts ? Parce que je souhaite répondre à ces questions, j'en suis venu à développer une architecture sans air conditionné ou lumière artificielle. De projet à projet, la bonne question est celle-ci : que pouvons-nous faire pour aller au-delà de la durabilité ?
Témoignage paru dans EcologiK 56 : Villes intelligentes...et durables? (déc-janv-fév 2017/2018)