La Confluence est le premier quartier français labellisé WWF, s'engageant ainsi à respecter les dix cibles du programme One Planet Living de la célèbre fondation. La première, objectif zéro carbone, induit de ne pas émettre de gaz à effet de serre supplémentaire entre le lancement des opérations et la fin de la construction du quartier en 2030. Ce qui sous-entend des mesures drastiques, comme l'explique Maxime Valentin, chef de projet à la SPL (société publique locale) Lyon-Confluence : « Nous avons entrepris une démarche développement durable sur l'ensemble du territoire depuis 2003, avec des objectifs qui évoluent sur chaque îlot. Hikari est le symbole d'une transition forte entre deux périodes. Au-delà de la performance énergétique intrinsèque, nous nous sommes attelés à trouver des solutions techniques pour réduire la consommation électrique. »
DÉMARCHE INTÉGRÉE
Dans un quartier foisonnant de gestes architecturaux, Hikari apparaît d'une délicate austérité, marquant ainsi les premiers pas de la deuxième phase d'aménagement du quartier Lyon-Confluence. Concepteurs du projet urbain, les architectes-urbanistes Herzog et de Meuron succèdent en effet à François Grether, qui assistait la SPL sur la première ZAC côté Saône. Ils préconisent une nouvelle typologie d'îlot autour de cours jardinées, permettant circulations piétonnes et vues transversales. Le bâti, marqué par une plus grande minéralité, s'autorise davantage de variations en hauteur. Les architectes de KKA ont ainsi dû répondre à un cahier des charges exigeant. Chaque bâtiment d'Hikari bénéficie d'un traitement spécifique. Dans un même camaïeu de gris, pierre, verre, lattis en Trespa et éclats métalliques alternent avec des brise-soleil orientables réinterprétant les jalousies lyonnaises. La mixité programmatique s'affiche en façade, entre bandeaux horizontaux pour les bureaux et élancements verticaux pour les logements, le tout posé sur un socle translucide abritant des commerces et des halls traversants. Elle permet principalement de mutualiser les besoins en vue de satisfaire les besoins respectifs en chaud et froid, qui ne surviennent pas simultanément suivant les prof i ls d'usage. Un travail de design industriel a permis de créer une façade photovoltaïque semi-transparente qui, s'ajoutant aux panneaux solaires en toiture et à la cogénération, permet de couvrir la demande en électricité de l'îlot. Le surplus peut être stocké pour répondre à des pics de consommation.
LUMIÈRE NATURELLE
L'implantation de l'ensemble favorise les apports solaires par son orientation, mais l'épaisseur des trois constructions en parallélépipèdes impose néanmoins un travail de sculpture, afin de conduire la lumière naturelle en leur cœur. « Hikari veut dire lumière en japonais. C'est l'élément sur lequel nous avons construit le projet, car c'est la lumière qui a défini le procédé permettant d'économiser l'énergie », résume Kengo Kuma. « Au regard de l'orientation solaire et de la hauteur, on a l'impression que chaque niveau pivote à l'image d'un tournesol qui suit la course du soleil », poursuit le concepteur. Ce jeu dessine des « failles » perturbant l'apparent rationalisme des façades, réponse organique aux collines et au fleuve. Au sein du bâtiment, elles provoquent une gymnastique structurelle matérialisée par des poteaux inclinés résultant d'encorbellements successifs. Chaque bâtiment est nommé d'après son orientation, Higashi à l'est, Minami au sud et Nishi à l'ouest.
INTELLIGENCE RÉPARTIE
Hikari est une étape dans le développement des réseaux intelligents sur le territoire français. Le projet démonstrateur Lyon Smart Community vise ainsi la réalisation de bâtiments à énergie positive, mais aussi l'écoré-novation de l'existant, la mise en service de véhicules électriques en auto-partage et d'installations de suivi énergétique et de systèmes d'analyse de données. L'îlot s'inscrit dans le cadre d'un partenariat entre le Grand Lyon et l'agence gouvernementale japonaise Nedo, qui cofinance le projet.
Toshiba assure la gestion de l'intégration de technologies innovantes, notamment un système de gestion centralisée du bâtiment appliqué aux logements (HEMS) et aux espaces tertiaires (BEMS). Les futurs utilisateurs ont été formés de manière à maîtriser ces nouveaux outils et sont consultés régulièrement en vue d'ajuster le système dans la phase de test qui suit la livraison.
Regroupés en association, les habitants participent également à la promotion du projet tandis que d'autres sont encore déroutés : « On ressent un peu trop le fait d'être dans un bâtiment cobaye », regrette François Demoulin, dont l'entreprise Rokoriko occupe l'un des plateaux de bureaux. Depuis l'inauguration d'Hikari, en 2015, l'expérience se poursuit dans le cadre du programme européen Horizon 2020, en collaboration avec Munich (Allemagne) et Vienne (Autriche). Tous les immeubles de la phase 2 seront ainsi raccordés à un système de pilotage plus vaste, le CEMS (Community Energy Management System). Le consortium Lyon Living Lab, labellisé Démonstrateur industriel pour la ville durable (DIVD), vise aujourd'hui à élargir le panel des données récoltées. À suivre.
Article paru dans EcologiK 54 : Ville-campagne (juin-juillet-août 2017)
FICHE TECHNIQUE
+ Lieu : Lyon, Rhône.
+ Programme : bureaux (7 772 m² SPC), logements de 42 unités (3 529 m²) dont 4 villas, commerces, restaurants, services (1 009 m²), parking de 88 places. Répartition en trois bâtiments, Higashi (6 001 m²), Minami (3 248 m²), Nishi (3 061 m²).
+ Maîtrise d'ouvrage : SNC Hikari (Bouygues immobilier d'entreprises Rhône-Alpes, SLC Pitance).
+ Maîtrise d'œuvre : Kengo Kuma & Associates.
+ Bureaux d'études : Nedo, Toshiba (partenariat développement domotique et NTIC), Cobalt (concepteur lumière), Ingelux (éclairage), Setec bâtiment (tous corps d'état), Praxice (environnement, durable), Voxoa (économie de la construction), Tecsol (photovoltaïque), EAI (acoustique), Manaslu ing. (AMO environnement, énergie, exploitation).
+ Surface : 12 310 m² SPC.
+ Coût total : 53,2 millions d'euros.
+ Calendrier : 2011, concours ; printemps 2012, PC ; printemps 2013, début des travaux ; juillet 2015, livraison ; évaluation en cours.
+ Certifications, labellisations : BBC effinergie, Bepos, BBCA, Pyramides d'or.
+ Système constructif et matériaux : béton (structure), aluminium laqué (brise-soleil), bois et aluminium (menuiseries), panneau Trespa, pierre bleue du Hainaut, panneau composite en aluminium anodisé (bardage et vêture), panneau biverre PV (loggia), double vitrage (bureaux), triple vitrage (logements), LED (éclairage).
+ Mesures environnementales : conception bioclimatique, mixité d'usage, production multitechnique d'énergie mutualisée, autoconsommation des énergies renouvelables (issue de la cogénération), ventilation et rafraîchissement naturels (oscillo-battants, trémies de ventilation, locaux traversants, inertie des dalles de bureaux), isolation thermique performante, étanchéité à l'air (niveau passif), lumière naturelle (entailles triangulaires, bandeaux de vitrage), gestion des apports solaires (brise-soleil orientables, loggias au sud), récupération des eaux de pluie, végétalisation (jardinières, cour plantée), accessibilité (parking mutualisé, vélo).
+ Installations techniques : cogénération à l'huile végétale avec volume de stockage (production de chaud, ECS et électricité), chaudière gaz d'appoint (production de chaud et ECS), groupe à absorption alimenté par géothermie et cogénération, système de stockage d'eau glacée avec matériaux à changement de phase, groupe froid à sustentation magnétique avec échangeur dry adiabatique (rafraîchissement), centrale photovoltaïque, stockage d'énergie électrique avec batterie SiCB (production électrique), système média collectant (caméras à infrarouge, capteurs température, 2 , lumière… ) et diffusant les données énergétiques et de confort (HEMS, cloudBEMS, BEMS).