Avec 307 600 autorisations en 20131, nous sommes loin de l’objectif fixé par le gouvernement français. Pourtant, le chiffre de 500 000 logements par an correspond bien aux besoins de la population : il inclut 280 000 unités pour englober l’augmentation annuelle du nombre de ménages, auxquels s’ajoutent 100 000 pour résorber en cinq ans le déficit actuel en logements sociaux, et 120 000 en démolition/reconstruction pour compenser l’obsolescence rapide d’une partie du parc actuel - et pour laquelle la rénovation ne sera pas une solution. Cette obsolescence peut être de différentes natures : « géographique » lorsqu’elle concerne les mouvements de population sur le territoire ; « sociétale » si l’on repense au problème posé par les grands ensembles des années 1960, « technique » quand une mise aux normes thermiques est rendue impossible pour des raisons financières, ou tout simplement « esthétique ».
La raison principale du blocage français réside dans la baisse de la proportion de maisons individuelles par rapport à la totalité des constructions neuves : la maison continue à correspondre au rêve de 75 % des ménages, mais sur les dernières années, elle est passée de 62 % à 46 % du marché. Explication : le collectif est soutenu par l’offre locative, qu’elle soit sociale ou liée aux investisseurs privés, alors que la maison individuelle provient à 90 % de l’accession directe des ménages. Or, le « cœur de cible » de la jeune primo-accession populaire a chuté de moitié dans le même intervalle de temps, les jeunes ménages se stabilisant professionnellement de plus en plus tard. Il faut bien souvent deux contrats à durée indéterminée avant de se lancer dans l’achat et les jeunes gens sont aujourd’hui peu sûrs de leur avenir, au motif qu’avec une maison sur les bras, ils vont « se bloquer ». La secundo-accession des seniors est, quant à elle, en pleine croissance, mais elle ne compense pas encore la perte du « cœur de cible ». Dans moins de dix ans, ceci dit, le nouveau marché sera probablement celui du renouvellement par les seniors. La situation française sera ainsi appuyée sur un marché dual : caricaturalement, les jeunes et les « pauvres » en locatif ou en achat d’ancien ; les seniors et les « riches » en secundo-accession neuve.
Comment débloquer cette situation ? Cinq voies se dessinent :
1) La rénovation-restructuration pourrait être une alternative au neuf… mais pour une petite partie seulement. Actuellement, acheter de l’ancien et réaliser des travaux complets de modernisation revient plus cher – en maison individuelle – que le neuf, et les systèmes contractuels entre le ménage et les professionnels sont moins garantis.
2) La mobilisation du foncier pourrait contribuer à réduire les prix et répondre à une demande grandissante de maisons « de ville ». Des gisements importants existent, pour peu que la législation et la fiscalité deviennent incitatives. Il y a plusieurs millions de maisons individuelles en agglomérations, pour la majorité sur des terrains de plus de 1 000 m². Le projet « bimby » qui consiste à affecter une partie du jardin à l’édification d’une seconde maison apparaît ainsi comme une piste intéressante. Il serait aussi possible d’utiliser les terrains dits « difficiles » (inondables, par exemple) avec des infrastructures ou des fondations adaptées, à condition que leurs prix ne soient plus prohibitifs. Le principal levier demeure toutefois la réduction de la surface moyenne des terrains, qui reste en 2013 supérieure à 1 100 m² - ce qui impliquerait une intervention des pouvoirs publics et des collectivités territoriales.
3) Il faudrait retravailler l’ingénierie financière de l’accession populaire ! En assouplissant les conditions et les coûts lorsque le ménage est obligé de revendre et de reconstruire, pour des raisons professionnelles ou familiales. Par des systèmes de location/vente par exemple, des avoirs de TVA lorsque la famille construit une nouvelle résidence principale moins de cinq ans après la première ou un système d’échange « à l’américaine ».
4) Le développement de la construction industrialisée pourrait également participer au déblocage de la situation. Le marché actuel montre que les débours de chantier pour des maisons populaires est de l’ordre de 900 euros HT/m²SP ! La compétitivité ne pourrait provenir que d’unités de production de plus de 1 500 maisons/an !
5) Enfin, plutôt que de se diriger vers la maison « zéro énergie » (dont la définition n’est pas claire), la construction pourrait aller vers une nouvelle génération de maisons plus globalement « éco–responsables » et, en ce sens, suivre les préconisations du rapport interministériel « Réglementation Bâtiment Responsable 2020 ». Celui-ci insiste sur les conditions de vie dans les logements : qualité de l’espace, de la lumière, de l’air. Son adoption rendrait réellement obsolète… une grande partie du parc actuel.
1. 167 150 appartements en collectif et 140 450 maisons individuelles en 2013.