Rédigé par Charlotte Fauve, Éric Justman | Publié le 09/04/2015
Architectures à vivre : selon vous, qu’est-ce qu’une ville durable ?
Éric Piolle : Deux regards existent sur cette problématique. Le premier, techniciste, conçoit la cité comme une usine à réguler, munie d’un tableau de bord avec toute une batterie de capteurs – les initiatives telles que les Smart Cities [un principe de développement urbain à la fois social, économique et environnemental, souvent relié à l’utilisation des nouvelles technologies, ndlr], relèvent par exemple de ce courant. Le second, celui de Grenoble, imagine une cité plus douce dans sa forme, végétalisée, où les habitants se sentent contributeurs d’une histoire commune, avec l’envie d’en porter les projets. La ville durable, c’est un croisement de regards : lorsque l’on décide d’un cap politique, la richesse est plus grande si l’énergie provient des habitants.
A.à.v. : Quelles en sont les applications à Grenoble ?
É.P. : Beaucoup de choses ont déjà changé, dans l’esprit et la dynamique ainsi générée pour le futur de la ville ! La révision du Plan local d’urbanisme a été lancée en juillet, et interdit dorénavant de construire des bâtiments de grande hauteur pour que les constructions restent à échelle humaine. En parallèle, les demi-mètres carrés de publicité ont été retirés de l’espace urbain, et plusieurs grands projets ont été stoppés, notamment une opération de construction sur le Champ-de-Mars, grande esplanade et lieu de vie pour les Grenoblois, sur laquelle se tiennent les rassemblements populaires. L’habitat participatif émerge un peu partout et j’ai pris la présidence du bailleur social pour lancer un programme de rénovation thermique des immeubles. Reste à trouver les bons outils d’ingénierie financière pour accélérer sur la rénovation privée…
A.à.v. : Comment comptez-vous mobiliser la population grenobloise ?
É.P. : Nous avons la volonté de ne pas construire toute la ville d’un coup, mais petit à petit, par l’appropriation des habitants. Le prisme fondamental, c’est la démocratie ! Si la ville est vue du haut vers le bas, uniquement comme un système à réguler, et dans lequel il faut s’assurer en permanence que l'habitant obéisse bien à des règles édictées, l’échec est assuré. Nous avons donc construit un cadre de réflexion collective : un débat sur les orientations financières a été lancé avec trois réunions publiques, et des grenoblois formés par les services de la ville, grâce à des jeux participatifs leur permettant d’appréhender ce qu’est un budget municipal. Nous allons également lancer la création de conseils citoyens indépendants. Le débat public est un moteur bien plus puissant que l’obligation !