L’anniversaire est passé quasiment inaperçu, mais Citydev (anciennement Société de développement pour la région de Bruxelles-Capitale) a soufflé en décembre 2013 ses 40 bougies. À cette occasion, l’organisme a retracé quatre décennies d’actions dans les 19 communes de l’agglomération dans une publication titrée 40 ans de développement urbain, qui déploie sur 200 pages plus de 150 projets. Pour les lecteurs qui peineraient à imaginer le terrain de jeux de l’organisme para-régional, une carte, ponctuée de pixels roses, bleus et orange, situe précisément l’emplacement de chaque site dans la nébuleuse bruxelloise. Les enjeux ne sont pas seulement résidentiels : en 1974, date de création de l’institution, la première mission est en effet centrée sur l’attractivité économique de la capitale belge. L’objectif est de maintenir les entreprises sur le territoire grâce à un mécanisme simple – du moins sur le papier : Citydev acquiert des parcelles qu’elle loue ensuite, par le biais de baux de très longue durée, à des sociétés qui y construisent leurs bureaux. Une méthode qui a stimulé aussi bien des parcs scientifiques que des zones industrielles plus traditionnelles. Les 200 hectares ainsi mis à disposition sur 40 sites ont permis à de nombreuses firmes de s’implanter durablement dans la capitale. Mais si la maîtrise des terrains à vocation économique est primordiale, elle ne peut être séparée du maintien de l’emploi, donc de la présence des classes moyennes au cœur de la ville. Avant cela, reste à comprendre le développement de la cité belge, atypique s’il en est face à d’autres métropoles européennes.
Dans le croissant pauvre
En à peine un demi-siècle, Bruxelles a beaucoup évolué. Si la désindustrialisation massive, liée à une très forte tertiarisation de l’économie, se fait partout sentir dans la vieille Europe, elle est d’autant plus importante que la capitale belge est la terre d’élection des institutions de l’Union européenne. Par ailleurs, la ville n’est pas exempte de problèmes sociaux – une situation paradoxale, puisqu’elle s’étend selon une urbanisation « à l’américaine », l’hyper-centre perdant de la population au profit des périphéries. Elle se déploie donc en tache d’huile, tandis qu’à l’intérieur, des quartiers entiers tombent à l’abandon. C’est après le choc pétrolier que s’opère la paupérisation. Depuis, la « banane », ou « croissant pauvre », traverse la cité selon un axe nord-sud, tandis que d’autres populations défavorisées, un prolétariat à l’immigration plus récente, s’installent dans l’ancien cœur industriel, le long du canal. Ces secteurs peinant à attirer les investisseurs privés, Bruxelles y a délimité des contrats de quartier pour attiser la réhabilitation urbaine. Des financements sur cinq ans y sont injectés pour générer des équipements, le tout avec la participation des habitants. Dans ces zones, l’action de Citydev arrive en complément, en garantissant à la population des logements à un tarif abordable. À condition de rentrer dans les grilles de revenus, les acquéreurs peuvent acheter un appartement aux deux tiers de son prix s’ils s’engagent à rester dans le quartier pendant vingt ans, ce qui permet de modifier progressivement la sociologie des secteurs ciblés.
Itinéraires d’édifices
En trente ans, Citydev a construit 3 500 logements : au fil des pages de son livre se dévoilent donc les itinéraires d’édifices et de sites. On y croise ainsi la Chaussée-de-Gand, l’une des toutes premières réalisations sur la rive gauche du canal, où un immeuble de douze appartements, bardé de tôle ondulée, se dresse désormais à l’emplacement d’un terrain vague. Plus loin, la Vieille-Halle-aux-Blés, complexe résidentiel réalisé sur l’emplacement d’un parking, reprend la trame du parcellaire antérieur. Si les temps ont changé – Bruxelles, depuis cinq ans maintenant, regagne progressivement des habitants – les missions de Citydev se poursuivent, en évoluant. Bien que capitale européenne, l’immigration internationale lui profite encore peu, en raison d’un déficit de financement propre dû au faible nombre d’habitants contributeurs. À cela s’ajoute un début de crise du logement, certes moins aigu que dans les métropoles françaises, mais suffisant pour accroître les difficultés de la classe moyenne. De la ghettoïsation à la gentrification, Citydev a vu en 2013 ses prérogatives étendues dans le cadre d’un contrat de gestion. Son ambition : réaliser des projets mixtes, à plus grande échelle, en mêlant activités économiques et résidentielles. Des missions qui paraissent nécessaires à l’heure où le gouvernement bruxellois se prépare à accueillir 180 000 nouveaux habitants d’ici à 2020.