Places et espaces publics : vers de nouveaux usages ?
Ronde, carrée ou aux formes irrégulières, la place est un lieu urbain qui raconte une histoire et attire inexorablement habitants et touristes au cœur des quartiers. Elle fait partie de ces espaces qui sont, par définition, propices à la flânerie et à la rencontre, et qui accueillent les pratiques collectives et individuelles du quotidien. Avec ses fontaines, ses statues, ses marchés, ses monuments commémoratifs et ses œuvres d'art, la place représente une société : c'est autour de cet espace non bâti, « fluidificateur » de circulations et concentrateur d'échanges, que la ville européenne a construit son urbanité et organisé son fonctionnement social et économique.
Un espace public dédié
La place est classée dans la catégorie des « espaces publics », concept qui se banalise autour des années 1990 et qui n'est pas simple à définir. Dans le Dictionnaire de la ville et de l'urbain (ouvrage collectif, Economica Anthropos, 2006) on remarque que cette expression superpose le statut juridique de certains lieux urbains à leur usage, brouillant un peu les pistes. Autrement dit, à l'espace public correspondrait automatiquement un usage public, et donc essentiellement collectif. Dans ce sens, le philosophe de l'urbanisme Thierry Paquot soutient que ce sont désormais « les pratiques, usages et représentations » d'un espace qui décident si celui-ci est public ou non (au-delà de son statut juridique avéré). C'est ce qui explique que certains espaces deviennent publics (ou sont perçus comme tels), car investis de nouvelles formes d'interactions sociales : la plage, le campus universitaire, le sentier de randonnée, la piste cyclable, la brocante... L'urbaniste Jean-Pierre Charbonneau en conclut que l'espace public peut être pensé comme un instrument capable de mesurer les modifications et les évolutions de la société urbaine toute entière, dans le sens où il contribue à forger un sentiment d'appartenance.
Des espaces à redécouvrir
Aujourd'hui, l'espace public est au centre des préoccupations urbaines partout en France où les centres-villes se désertifient, et les places avec eux. Réduites à des giratoires pour voitures, bus et motos ou transformées en parkings géants, beaucoup d'entre elles ne fournissent plus cet espace générateur de lien social, d'un « être ensemble » dans une zone qui appartient à tout le monde et à personne à la fois. Mais dès qu'elles se trouvent investies, occupées, traversées ou simplement libérées de la circulation, les places redécouvrent leur raison originelle, et, un peu comme une scène de théâtre, deviennent the place to be : partout dans le monde, manifestations, sit-in et autres commémorations profitent de leurs accueillantes rondeurs, au croisement de ruelles et de grands axes routiers, pour chanter toute sorte de revendications.
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