De nombreuses villes transforment leur espace public...
Elles favorisent une appropriation par les habitants, à l'image de l'opération parisienne Réinventons nos places ! destinée à « donner plus de place à celles et ceux qui ont envie de vivre dans une ville plus pacifiée ». Lorsqu'un projet urbain est développé dans un territoire qui dispose déjà d'espaces publics, la stratégie consiste le plus souvent à le reconfigurer pour lui apporter de nouveaux usages, comme sur l'Île de Nantes (44). En revanche, lorsqu'il a pour objet la reconquête d'un grand foncier autrefois privé, l'espace public est créé pour desservir, proposer des lieux de vie collective et apporter de la qualité résidentielle dans le futur quartier. Ainsi, sur les 25 ha de la friche industrielle Fives-Cail, à Lille, plus de 10 ha sont transformés en rues, cours et passages publics.
Vers plus d'appropriation de la rue ?
Mais une rue peut vite devenir un espace public spécialisé. Elle est marquée par des aménagements qui gèrent le stationnement, la collecte des déchets et cadrent les flux de circulation automobile, vélos, transports en commun, tout comme les réseaux techniques. Cette juxtaposition peut appauvrir les possibilités d'usages. Il n'y a qu'à voir quand une rue est recouverte par la neige, elle révèle un espace unique et invite à redéfinir les pratiques. La notion d'espace partagé tend à s'affirmer pour alléger l'espace public de son rôle d'infrastructure et faciliter une diversification des usages, comme à Drachten, aux Pays-Bas, ou encore à travers des événements comme Park(ing) Day qui, à l'échelle mondiale, offre l'opportunité de transformer temporairement des places de parking en espaces de convivialité. À Strasbourg (67), la rue du faubourg de Pierre est partiellement désimperméabilisée pour favoriser l'infiltration des eaux pluviales et végétaliser. Et à Saint-Gall, en Suisse, le mobilier urbain du salon public du quartier Bleichi « domestique » les rues. Les qualités d'usages propres au logement se retrouvent alors à l'extérieur.
Quelle interaction entre espace public et privé ?
L'espace public se définit aussi dans son rapport au rez-de-chaussée qui le borde et l'anime. Un commerce y trouve ainsi une extension temporaire de sa surface. Dans le projet Chapelle International, dans le 18 e arrondissement de Paris, des logements-ateliers diversifient la façon d'habiter et de travailler sur rue. Si des opérations urbaines d'après-guerre effaçaient la limite entre public et privé avec des espaces extérieurs ouverts, le phénomène de résidentialisation apparu dans les années 1990 affirme désormais la domanialité. Et pourtant, le frontage - cet espace situé aux pieds des façades dont le nom est emprunté aux québécois - est devenu l'objet d'une attention dont Nicolas Soulier dresse les enjeux dans son ouvrage Reconquérir les rues (Ulmer, 2013). Avec toujours plus de citadins et d'acteurs économiques désireux d'investir un espace public, les rues et les places n'ont jamais autant été sollicitées. Dans les projets urbains, elles s'affirment comme un équipement public à part entière dont la programmation est devenue indispensable.
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