Parmi eux, le visionnaire Alessandro Mendini, un des pionniers du recyclage, qui vient de disparaître à l'âge de 87 ans, ou encore le maître du Scrapwood, Piet Hein Eek, qui, dès les années 90, s'impose avec un mobilier fait de morceaux de bois récupérés. À 76 ans, Rossana Orlandi mène une guerre contre la mauvaise gestion du plastique. Constatant que l'on ne peut s'en passer et qu'il faut préserver les forêts -le bois n'étant pas une réelle alternative -, elle défend l'idée de promouvoir et rationaliser l'usage des matières plastiques, recyclées ou recyclables.
Pour cette première édition, le Ro Plastic Prize a plébiscité la Substantial Chair d'Alexander Schul, designer allemand formé aux Pays-Bas : une chaise minimaliste, composée de feuilles de plastique recyclé assemblées mécaniquement.
Légère et démontable, elle est facile à transporter et à stocker. Dans la catégorie design textile, ce sont les co-fondatrices de Reform Studio, basé au Caire, qui remportent le prix. Hend Riad et Mariam Hazem, dans le sillage de l'enthousiasme soulevé par la révolution de 2011, ont développé une ligne éthique et écosociale, Plastex, ayant pour matière première des sacs plastique recyclés et des matériaux haut de gamme.
Bien que l'utilisation de matières « upcyclées » ne soit pas une nouveauté et participe à une bonne image du design, elle ne doit pas nous faire oublier l'équation persistante : toute (nouvelle) production équivaut à une extraction de ressources loin d'être inépuisables. Ainsi, pour répondre à la demande du marché, les designers innovent et imaginent les projets les plus ingénieux. Ils transforment les détritus en une matière noble tout en incluant leur pratique dans une économie circulaire et, dans le meilleur des cas, proposent un travail aux populations qui subissent directement l'altération de leur environnement.
Une aubaine pour le milieu de la mode, placé en seconde position parmi les industries les plus polluantes au monde, derrière celle du pétrole. En 2015, la designer Simone Post s'était distinguée en créant des tapis composés des chutes textiles de Vlisco, fabricant néerlandais de tissus haut de gamme imprimés à la cire, dont le processus risqué n'accepte aucun défaut. Récemment, elle a réitéré la collaboration avec une grande marque, Adidas, et a élaboré des tapis graphiques constitués de vieilles baskets, un des produits de la mode les plus difficiles à recycler. Dans la même veine, Diederik Schneemann a conçu des tabourets et vases pixélisés à partir de tongs décolorées et usées, échouées sur les côtes d'Afrique de l'Est après avoir transité par les égouts et les océans.
Le jeans nécessite, quant à lui, plus de 7 000 litres d'eau par pantalon, sans compter les pesticides utilisés dans la culture du coton, les produits chimiques des teintures ou les risques provoqués par le sablage sur la santé des travailleurs.
Il est donc insensé de les abandonner au moindre accroc. C'est ainsi que la créatrice néo zélandaise Sophie Rowley leur donne une nouvelle vie en réalisant des tables basses à l'effet marbré, les Bahia Slate Tables.
Ce n'est donc pas sans ironie que la production actuelle renvoie aux prototypes exposés dans la galerie Alchimia d'Alessandro Mendini à la fin des années 70. Un assemblage de résidus qui rend chaque objet unique et vivant, se parant de teintes aléatoires, peu ou prou maîtrisées, tel un terrazzo ou un patchwork. La matière composite réussit cette prouesse tant recherchée par Le Corbusier, qui aspirait à ce que les couleurs semblent être mises au hasard. Rien de plus difficile.
► Article paru dans Ecologik 63 : Reconvertir, réhabiliter et muter actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne