Rédigé par Minh Man Nguyen, Architecte Associé de WAO et fondateur de Re-Store | Publié le 28/10/2019
Le projet exprime le mouvement des ondulations du canal en façade. La toiture pensée comme une coque de bateau accompagne ce mouvement et s’élève sur la partie centrale pour signifier l’entrée de la maison.
Le projet a fait l’objet d’un appel à projet lancé en avril 2019 par l’association Les Canaux, la maison des économies solidaires et innovantes, que le collectif Re-Store by WoMa a remporté en proposant une ombrière en réemploi. La date de livraison était fixée au 10 juillet ce qui a laissé deux mois pour réaliser le projet pour la durée de l’été. Le projet a été fini dans les temps, 5 min avant l’inauguration, le présent article va relater les différentes étapes et obstacles pour parvenir à réussir ce défi.
L’ombrière commandée par Les Canaux devait protéger les activités de l’association du soleil durant l’été avec pour ambition : utiliser quasi-exclusivement des matériaux de réemploi ou de réutilisation, et concevoir, sourcer et construire le projet en seulement deux mois . Le collectif Re-Store a relevé ce défi en s’appuyant sur les différentes expertises de ses membres tant sur la conception avec WAO Architecture (coordination), R-Use, Studio Pourquoi Pas, EMA architecture… que sur la fabrication avec Super Cube (mandataire), ReMake, Force Pure…
Ce projet a ainsi été conçu, sourcé et réalisé par un collectif fait d’une multitude d’acteurs.
Le collectif a pu réaliser cette ombrière grâce à l’espace situé à l’Orfevrerie à Saint-Denis, dont elle bénéficie pour stocker, expérimenter, d’expérimenter et de produire de manière collaborative. Ce tiers-lieu est la résultante de trois partenaires : le promoteur immobilier Quartus qui accueille le collectif, REI Habitat/REMAKE qui a installé son atelier de menuiserie avec machines et savoir-faire artisanal, et WoMa qui gère l’espace et apporte sa communauté et ses compétences numériques.
Le projet est une prouesse de revalorisation avec environ 8,4 tonnes de bois revalorisées soit 90% du bois. Le challenge proposé par la contrainte des Canaux dépasse le simple projet architectural de la terrasse. Il s’agit d’un challenge pour tous les acteurs de la construction qu’ils soient architectes, ingénieurs, entreprises ou maîtrises d’ouvrage : diminuer l’utilisation de matériaux neufs et ainsi de nos ressources limitées, et augmenter la réutilisation de ce qui est considéré comme des déchets.
Il est nécessaire que le BTP s’engage dans ce type d’approches, chaque ouvrage est impactant sur l’environnement. Il faut sortir du schéma linéaire de consommation où les produits sont transportés puis jetés pour s’inscrire dans un schéma circulaire sur la production de biens depuis les déchets et où les données circuleraient entre les villes afin de diffuser les stratégies. Ce projet s’inscrit ainsi dans une démarche plus globale : celle du mouvement Fab City prônant l’évolution du modèle Product In Trash Out au Data In Data Out.
Une architecture de stockage où tout est pensé pour être réemployé
L’architecture de l’ombrière étant temporaire, elle a été conçue pour mettre en valeur divers gisements et le stock de bois emmagasiné à Re-Store. Ce projet reprend ainsi l’idée développée par Bellastock : celle d’une architecture de stock.
L’une des plus grandes difficultés a été de trouver les gisements de matière à mettre en oeuvre. La première moitié du temps de conception a été consacrée à repérer et solliciter les acteurs du réemploi afin de trouver la quantité de bois suffisante pour produire le projet. Dans un premier temps, il y a eu la possibilité de réutiliser 800 m3 de bois provenant d’un chantier en déconstruction 4 semaines précédant la livraison de la terrasse. Il s’agissait d’étagères d’un bâtiment situé dans le 3e arrondissement de Paris. Celles-ci étaient parfaitement conservées et les dimensions des éléments étaient régulières.
Toute la conception s’est ainsi basée sur les dimensions de ce stock de bois, mettant en oeuvre une structure de planches assemblées. La toiture et les brise-soleils ont été dessinés à partir de ces dimensions.
Au moment de la dépose des étagères, qui devait être effectué par Réavie, l’association s’est aperçue de la présence de plomb dans le bois, rendant sa manipulation impossible et a rallongé les délais de dépose afin d’appliquer un protocole sanitaire adéquat à la situation. Les aléas sont choses courantes dans le bâtiment, dans la rénovation et encore plus dans la déconstruction.
C’est ainsi qu’à un mois de la livraison, le projet se retrouvait sans ressource. La mobilisation du collectif afin de trouver des éléments en quantité pour fabriquer a permis de retrouver des gisements.
Sources pour les différents gisements :
- Valdelia pour les plateaux de bureau
- Actlab/ Bellastock pour des planches de bois
- Mada pour les madriers
- La réserve des Arts pour des éléments qui ont servis de base pour les bacs
- Réavie pour les éléments de toiture
- Re-store et plus particulièrement remake pour compléter les besoins
- Le bon coin pour des apports ponctuels
Tous les assemblages sont réversibles afin de pouvoir démonter l'ombrière entièrement et récupérer les éléments pour les réutiliser ou de réinstaller le projet ailleurs. Le projet sera d’ailleurs probablement reconstruit sur un site appartenant à REI Habitat pour servir de maison du projet.
Structure
Pour la structure, 150 madriers ont été sourcés : ils avaient servi pour un plancher temporaire à l'échafaudeur Mada. Cela représente 9 m3 de bois, qui a été quasiment utilisé dans sa totalité.
Les dimensions des madriers étant de section 10x12cm et d’une longueur de 5 m ont défini la forme structurelle afin de pouvoir reconstituer les portées et les hauteurs définis par le cahier des charges des Canaux.
L’ombrière est composée de 14 portiques de hauteurs variables mais présentant un certain nombre de pièces similaires afin d’optimiser le débit.
La conception structurelle a été élaborée en flux tendu entre les architectes, le bureau d’étude et les entreprises du collectif. Le processus itératif basé sur des aller-retours et des visites sur chantier a permis une rapidité de prise de décision et une efficacité dans l’application des choix. Entre le début des échanges et la livraison, il se sera déroulé 2,5 semaines.
Toiture
Les différents pans de la toiture sont des surfaces réglées rappelant l’ossature d’un navire.
La toiture a été conçue comme un rack de stockage de planches de bois.
Finalement, c’est l’association Réavie qui a trouvé une solution en sourçant des portes de caves à clair-voie. Nous avons ainsi récupéré une soixantaine d’entre elles que nous avons démontées et décloutées. Les éléments furent d’une grande régularité. Elles constituent les ⅔ de la toiture ayant une longueur comprise entre 195 et 198 cm. Les portées supérieures ont été remplies par le biais de gisement provenant des stocks de Re-Store. Stock qui a été constitué en grande partie par les chutes du charpentier Méha, complétées par d’autres sources comme celui du Actlab/Bellastock. À la fin de l’été, l’ombrière a été démontée, les éléments de Re-Store y sont retournés pour reconstituer les stocks du collectif à l’Orfevrerie. Les autres éléments de toiture serviront à un autre projet que Réavie mettra en oeuvre, ainsi le travail effectué sur les portes bénéficieront à deux ouvrages.
Brise-soleil
Les brise-soleils ont été conçus par le studio de design Pourquoi Pas, qui est aussi lauréat de l’appel à projet sur l’aménagement des Kiosques, et avec la participation des R-Use. Le design est un rappel des ondulations du canal. Les brise-soleils ont été fabriqués à partir de plateaux de bureau, un des déchets les plus récurrents. Ainsi Valdelia, un éco-organisme, a fourni les éléments qui ont servi de base. Étant fait de bois aggloméré, l’aspect des tranches en fait un matériaux difficilement exploitable. C’est à partir de ce constat que les designers ont travaillé les tranches avec de la couleur. (...)
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