Rédigé par Raphaëlle Saint-PIerre | Publié le 26/01/2016
Entre sable et forêt, la commune landaise de Saint-Geours-de- Maremne se situe sur un territoire très plat, marqué par la présence de ce que l’écrivain François Mauriac appelait « l’armée des pins ». Pour répondre à l’explosion démographique, la construction d’un nouveau collège, prémices de l’aménagement d’un futur quartier, est confiée à Patrick Arotcharen. Relié au bourg par des réseaux piétonnier et cyclable, le site est pris sur la forêt. L’architecte, qui avait imaginé ses bâtiments au milieu des résineux, a eu la mauvaise surprise de trouver le terrain rasé au début du chantier, mais des arbres seront bientôt replantés.
Une canopée d’auvents en bois
« Comment sortir de l’école Jules Ferry et construire un collège qui corresponde à l’identité d’un territoire particulier, qui raconte une histoire aux gamins et marque leur parcours », tel est le fil conducteur de Patrick Arotcharen, qui a déjà à son actif de nombreux équipements scolaires. Le sujet est un peu polémique, reconnaît-il, car les valeurs de la République voudraient plutôt que tous les collèges expriment la même chose. « À l’agence, nous sommes très préoccupés par les questions d’enracinement culturel et géographique. Nous cherchons à définir une architecture qui appartienne au site, et à trouver une écriture qui remporte l’adhésion des habitants car ils peuvent s’y reconnaître. » Patrick Arotcharen réfléchit particulièrement à la conception des lieux fédérateurs de vie sociale et d’échanges que sont les circulations. Il les prévoit toujours larges et généreuses, quitte à y consacrer un budget un peu plus important. À Saint-Geours-de-Maremne, l’école est ainsi organisée autour d’un espace central qui passe du préau à la rue intérieure, lieu d’accueil, de rencontre et de distribution : « Cette canopée d’auvents en V en bois sur des squelettes de métal propose une métaphore de la forêt landaise. » Les toitures à pentes inversées des bâtiments reprennent le même dessin, guidant la lumière vers l’intérieur « comme si elle pénétrait sous les branches ». Une forme qui permet également de rassembler les descentes d’eaux pluviales au milieu et de se passer de gouttières en façade.
Un atrium comme espace tampon
Le contrôle de l’ensoleillement est géré par une orientation nord-sud et un système de brise-soleil horizontaux. Les façades épaisses laissent les rayons pénétrer dans les classes en hiver et les endiguent à partir d’avril. La performance thermique est garantie par l’inertie des parois et des planchers en béton, l’isolation par l’extérieur, la faible émissivité des doubles vitrages et le rôle d’espace tampon de l’atrium. Les « parapluies » qui composent le préau central sont repris à l’intérieur du collège pour former une vaste rue couverte qui dessert les classes. Dans le climat doux et pluvieux de la région, cet atrium non chauffé prend tout son sens. « Nous travaillons beaucoup sur les espaces intermédiaires qui échappent un peu aux réglementations », explique Patrick Arotcharen. Quant au chauffage du reste des locaux, il est assuré par une centrale thermique alimentée par des plaquettes de pin local, dimensionnée pour alimenter une partie du futur quartier.
Redorer le blason du pin des Landes
Bois, verre, acier galvanisé, béton brut et goudron sont les seuls matériaux apparents. Source d’économie, cette sobriété est aussi esthétique. Elle fait écho à l’austérité de la lande et de la pinède. Réparties sur deux niveaux, les salles de classe sont des monolithes de béton avec une isolation par l’extérieur habillée d’un bardage en bois préfabriqué. « Nous voulons favoriser l’émergence de la filière du pin des Landes, qui n’avait pas bonne réputation », précise Patrick Arotcharen. Le résineux est utilisé ici en lames, pour la façade ou les sous-faces des auvents et de certaines toitures, et sous forme de lamellécollé ou d’abouté-collé pour les éléments structurels des bardages, des brise-soleil et de certains murs-rideaux à épines. « Nous avons choisi cette essence pour valoriser une ressource locale, mais en maîtrisant son vieillissement, car un bâtiment public est fait pour durer », souligne l’architecte. Il essaie par exemple de l’exposer de manière uniforme, afin d’éviter les différences de teinte entre les zones ensoleillées et ombragées. Et pour accrocher l’oeil, il met l’accent sur les verticales en marquant les joints creux entre les planches, car « la perception des façades est liée au rythme autant qu’à la texture des matériaux ». Le bois vieillissant mal à l’horizontale, le concepteur opte pour des lames de brise-soleil en aluminium, mais place leur structure porteuse en pin des Landes abouté-collé au premier plan, afin de conserver la verticalité qui règne partout ailleurs. « Ce jeu graphique reprend l’imaginaire de la forêt : une addition de troncs d’arbres au-dessus desquels émerge la canopée. » Patrick Arotcharen se place dans la filiation de la légendaire école de Bordeaux (Yves Salier, Adrien Courtois, Pierre Lajus et Michel Sadirac), dont il apprécie « la simplicité des matériaux et du traitement des sols, l’expression constructive de l’architecture et la façon de ne pas masquer les assemblages ». Il est également inspiré par Patrick Hernandez, « pour l’approche poétique onirique », et par l’architecte sri-lankais Geoffrey Bawa, autre adepte du mariage de la modernité et de l’identité régionale. w