« Il est incontournable de se soucier du dérèglement climatique dans notre manière de concevoir, toutefois comment dépasser les contraintes écologiques et continuer à faire de l'architecture ? Il s'agit d'une question majeure posée par la discipline actuellement. »
Telle est l'interrogation limpide soulevée par Michelle Lenne-Haziza, architecte associée de l'agence Vezzoni & Associés. Cette posture a permis de structurer, dans toutes ses dimensions, la conception de l'immeuble de bureaux du nouvel écoquartier Clichy-Batignolles, à Paris. C'est dans le cadre d'un concours privé, initié par le groupe Icade, que l'agence Corinne Vezzoni & Associés a été lauréate, fin 2014, du projet d'aménagement de 10 655 m2 répartis sur huit niveaux.
Cohabitation harmonieuse
Le gabarit donné à l'édifice l'inscrit « modestement » - selon les souhaits des architectes - à côté du Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI) dont il prolonge le socle. Pour cohabiter harmonieusement avec ce mastodonte de verre dessiné par Renzo Piano, le bâtiment tertiaire décline une gamme de matériaux visant à faire corps avec des vis-à-vis spécifiques. Baptisé le Thémis, l'édifice occupe la quasi-totalité de la parcelle, hormis une bande libre en cœur d'îlot aménagée en jardin. Si le volume se perçoit au premier abord comme un simple parallélépipède, il s'avère à son approche qu'il n'en est rien. En plan, le bâti subit une inflexion très légère, tandis que son enveloppe nord, en verre miroir sérigraphié selon un motif de rubans verticaux réfléchissants, subit une inclinaison de 1 %. Cette paroi, recouverte d'une seconde peau acoustique et de lamelles horizontales à la sous-face miroitante, crée des jeux cinétiques en accord avec le mouvement du périphérique et du boulevard Douaumont qui la bordent. « La mise au point de ce travail sur le miroitement, l'échange, le trouble, les reflets était assez ténue », explique Michelle Lenne-Haziza, car il ne fallait pas non plus éblouir les automobilistes.
Façade végétale
Côté sud, la façade propose une autre forme de dynamisme, vivante, celle-ci, apportée par la plantation de végétaux volubiles : « Nous avons confisqué une parcelle de terre, cette façade végétale est une manière d'en restituer une partie, d'une autre manière… », commente encore l'architecte. Les impostes accueillent des jardinières dans lesquelles des plantes grimpantes coloniseront verticalement, à terme, une maille en Inox. D'autres végétaux vivaces couvriront la trame horizontale et occupent la partie restante des jardinières.
La mise au point de cette paroi sud, offerte à la vue des usagers du TGI, a nécessité autant de précision que son pendant métallique au nord. En effet, les plantes doivent habiter la façade sans l'envahir et ne pas gêner l'automatisation des stores. Techniquement, chaque jardinière sera alimentée par une rampe de goutte à goutte, tandis que des capteurs d'humidité de l'air et du substrat seront mis en place afin d'optimiser la pérennité du système. L'eau pluviale utilisée pour l'alimentation en eau de la façade sera enrichie d'un engrais liquide organique délivré par une pompe doseuse installée au niveau de l'arrivée d'eau principale.
Sobriété énergétique
Dans le même esprit d'approche bas carbone, le choix s'est spontanément porté vers la mise au point d'une structure mixte bois-béton afin de réduire les émissions de 29 % par rapport au tout béton. L'ensemble est dessiné dans une préoccupation écologique : les huit plateaux libres sont distribués par de larges escaliers, entièrement vitrés, qui favorisent leur utilisation plutôt que celle des ascenseurs. En rez-de-chaussée, un large hall accueille les vélos et est équipé d'une douche pour les adeptes de ce mode de transport. Une géothermie sur nappe constitue le système de chauffage. Qualifiée de géocooling assisté, cette dernière couvre l'essentiel des besoins, avec une distribution de la fraîcheur à l'aide de modules au plafond constitués de panneaux dans lesquels circulent des tubes de cuivre.
La sobriété énergétique du bâtiment se traduit par des consommations RT2012 inférieures à 55 % de la valeur réglementaire. Au final, le Thémis affiche un brillant palmarès de titres : il est labellisé Energie/ Carbone, Effinergie, Biosourcé, sans oublier les qualités HQE et BREEAM.
► Article paru dans Ecologik 61 : Au-delà de la performance énergétique
FICHE TECHNIQUE
♦ Localisation : boulevard de Douaumont, ZAC Clichy-Batignolles, Paris.
♦ Programme : Immeuble de bureaux Le Thémis.
♦ Maître d'ouvrage : Icade Promotion Tertiaire.
♦ Maître d'œuvre : Corinne Vezzoni & Associés et Atelier MLH Architecte Associé.
♦ Bureaux d'études et entreprises : BET Façades : VC - A ; Ingénierie : SFICA ; Paysagiste : Ozevert ; Bois : Barthès ; Structure/HQE : Artélia ; Acoustique : Lamoureux ; Plomberie : Berim.
♦ Surface : 10 655 m2.
♦ Coût : 23,5 millions d'euros HT.
♦ Calendrier : 2015-2018.
♦ Mesures environnementales : labellisé E+C-, HQE® Excellent (référentiel 2015), BREEAM Excellent (référentiel 2013), Effi nergie+ (RT 2012) et Biosourcé (référentiel 2015).