2012, à Boulogne-Billancourt (92), l'immeuble du 42, quai du Point du Jour s'apprête à vivre une nouvelle histoire. Vinci Immobilier propose de modifier l'image de cet édifice obsolète et son déroulé de plus de 150 mètres de façade sur la Seine. En cours de projet, les propriétaires changent : le maître d'ouvrage Axa vend le bien à Emerige. Les architectes Brenac & Gonzalez et Associés sont rappelés pour dépasser la seule transformation esthétique et répondre à une commande bien plus complexe : être inventifs et atteindre de nouvelles performances énergétiques, réorganiser le fonctionnement du bâtiment. Aurait-il mieux valu démolir ? La question aurait pu se poser, seulement l'architecte d'origine, Jean-Louis Pujol, avait déjà optimisé au début des années 1990 le gabarit-enveloppe de l'époque et le PLU actuel ne permettait plus une telle densité.
Une façade cinétique pour pallier des déficits énergétiques
L'immeuble a alors fait l'objet d'une restructuration lourde qui devait plus particulièrement corriger trois points négatifs entremêlés : l'exposition aux bruits routiers, l'absence de protection solaire sur des façades exposées sud, la désuétude de l'image architecturale. Contraints en réhabilitation par l'enveloppe et la structure existante qui détermine les matériaux possibles à mettre en œuvre, les architectes ont choisi de répondre aux enjeux avant tout par la façade, à travers le système d'une fenêtre bandeau permettant d'optimiser la lumière du jour.
Ils ont inventé un système de façade basé sur une double peau de verre ventilée : une façade intérieure traditionnelle qui assure le clos couvert et une seconde façade qui s'apparente à un bardage, accrochée par l'extérieur.
La façade intérieure, en simple peau continue, est performante avec ses fenêtres bandeaux et ses protections solaires (des stores vénitiens extérieurs). La seconde peau, ventilée, a pour fonction de préserver ces protections solaires afin d'éviter qu'elles soient détériorées en cas d'intempéries. Elle est dessinée selon des modules de trois mètres par trois mètres, espacés de 90 centimètres, afin de permettre le passage des pompiers, l'ouverture du châssis et l'accès à la ventilation.
Les architectes ont créé une « métatrame » en regroupant trois trames des bureaux de 1,35 mètre, soit 4,05 mètres, qui présente l'intérêt d'unifier le volume. La proximité de la Seine a, quant à elle, orienté le projet vers la recherche d'un scintillement changeant : chaque module est composé de deux triangles séparés par une arête vive, l'un orienté vers le bas qui réfléchit les mouvements incessants du quai et du fleuve, l'autre orienté vers le haut, qui reflète les nuances du ciel changeant. Le contraste crée une façade totalement cinétique.
Un aménagement unifié pour une flexibilité permanente
D'un point de vue fonctionnel, la rénovation a permis de clarifier les plans. L'ancien retrait de la façade au rez-de-chaussée avec sa colonnade perturbait la gestion entre espace privé et espace public. Il a totalement été repensé, habillé afin de créer une meilleure articulation urbaine entre les avenues et les berges. Aux étages, chaque niveau offre un hall commun pour que le bâtiment puisse toujours s'adapter aux modifications futures. De même, l'isolation réalisée à l'extérieur se trouvait limitée par les débords sur l'espace public et sur les limites séparatives en cœur d'îlot : le choix d'isolants performants, type polyuréthane et polystyrène, a permis de résoudre cet épineux problème.
À l'origine, le bâtiment avait, selon le calcul théorique, une performance de 600 KWh/ an/m 2 , c'est-à-dire qu'il était une réelle passoire thermique avec de la laine de roche de cinq centimètres d'épaisseur imbibée d'eau, une façade plein sud, sans contrôle solaire… Actuellement, le calcul théorique avoisine 50 KWh/an/m 2 .
Quel futur pour les rénovations tertiaires ?
À l'issue de la construction, le défi est réussi et le groupe Amaury s'est porté acquéreur du bâtiment. « Ce qui motive une rénovation - avec des investissements aussi importants - est le départ d'un locataire qui ne peut pas les assurer, déclare Jean-Pierre Levêque, architecte associé chez Brenac & Gonzalez et Associés. Il doute de la volonté spontanée des propriétaires à rénover leurs bâtiments, mais très rapidement, il n'y aura pas le choix [car les loueurs rejettent] des bâtiments parisiens qui ont des problèmes d'accès, qui sont des passoires thermiques et [ils préfèrent] des bâtiments qui offrent tous les labels en première couronne. »
L'avenir est à la rénovation… Quai Ouest a été lauréat des Grands Prix Simi 2017 dans la catégorie Immeuble de bureaux rénové ou réaménagement particulièrement innovant de plus de 5 000 mètres carrés.
⇒ Paru dans Ecologik 60 : Rénovation tertiaire, l'avenir en jeu.
Actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne
FICHE TECHNIQUE
♦ Localisation : 40-42, quai du Point du Jour, Boulogne Billancourt (92).
♦ Programme : bureaux, restaurant inter-entreprise (RIE).
♦ Maîtrise d'ouvrage : Emerige
♦ Maîtrise d'œuvre : Atelier d'Architecture Brenac & Gonzalez et Associés
♦ Maîtrise d'œuvre d'exécution : Calq.
♦ Bureaux d'études structure, fluides, thermique : Artelia.
♦ Bureaux d'études Environnement : Etamine.
♦ Bureau d'études Acoustique : Acoustique & Conseil.
♦ BET Façades : VS-A.
♦ Bureau de contrôle : Socotec.
♦ Paysagiste : Jean-Michel Rameau.
♦ Entreprise générale : Bouygues Rénovation Privée.
♦ Investisseur utilisateur : Groupe Amaury.
♦ Surface : 16 000 m² SDP.
♦ Calendrier : 2012- 2017.
♦ Coût : 32 M €.
♦ Système constructif et matériaux : béton.
♦ Isolation extérieure : polystyrène.
♦ Performance énergétique : 60 kWh/an/m²