À l’extrême ouest de la pointe bretonne, Quimper, labellisée Ville d’art et d’histoire, jouit d’un riche patrimoine architectural. Cathédrale gothique, remparts, rues pavées et maisons à pans de bois du XVIe siècle composent cette cité médiévale, qui ne cesse depuis quelques années de redorer son image. Le réaménagement de certaines places et artères ainsi que la réhabilitation d’anciens bâtiments, comme la médiathèque des Ursulines, illustrent cette volonté. De nombreux efforts certes, mais la piétonisation des rues et le développement de vastes galeries commerciales en périphérie entraînent malheureusement une baisse de fréquentation importante du centre-ville. C’est dans le cadre de cette perte d’activité conséquente qu’un concours promoteurs-architectes est organisé en 2007 pour ériger au sein de ce contexte hautement historique un équipement accueillant des commerces, des bureaux et un restaurant. Avec un projet pertinent répondant à deux enjeux majeurs de la politique de renouvellement urbain – mixité et densification –, l’équipe de Groupe-6 avec le groupe Casino est sélectionnée parmi les 18 candidats.
Connexions ravivées
Trop longtemps dans l’ombre de la populaire rue Kéréon, le quartier du Chapeau-Rouge, où se situe la nouvelle réalisation, souffrait d’un réel manque d’attractivité. Un des objectifs principaux était donc d’insuffler une dynamique à cette zone du centre-ville injustement délaissée. Le bâtiment principal s’implante sur une parcelle étroite et profonde, en cœur d’îlot, à l’emplacement d’un ancien parking ouvert et de deux maisons vétustes. Cette situation stratégique, en connexion avec trois chaussées, guide le dessin des architectes, qui décident d’insérer l’édifice sur la longueur pour libérer une voie piétonne reliant les rues du Chapeau-Rouge et de la Providence. Les deux secteurs auparavant peu fréquentés se rejoignent désormais pour façonner une nouvelle centralité. Les commerces sont disposés le long de l’espace public pour une réorganisation plus fluide des liaisons et une respiration au sein du dense tissu urbain. Tous sont largement ouverts sur l’extérieur et profitent d’aménagements adaptés à leurs usages : la librairie, installée sur plusieurs niveaux, bénéficie de multiples points de vue sur la cité et d’espaces propices à la lecture et à la rêverie. Le projet se poursuit au niveau de la rue de Douarnenez où un petit immeuble, accueillant un restaurant et des bureaux, côtoie un passage aujourd’hui réduit à la fonction d’issue de secours des boutiques, mais qui pourrait être rouvert au gré des futures occupations.
Vernaculaire contemporain
L’intégration du nouvel équipement dans un tel environnement patrimonial aurait pu s’avérer périlleuse, mais les architectes ont tiré avantage de cette situation. Mark Wilson, l’un des associés et directeur exécutif, le souligne : « Le contexte a été la source majeure d’inspiration. Nous avons proposé une réponse architecturale contemporaine en dialogue avec le bâti historique fort. Les silhouettes de la ville, l’inscription dans un parcellaire médiéval qui impose un plan sur mesure et nos échanges avec l’ABF ont nourri le projet, sans imposer de complexité supplémentaire au regard d’autres édifices commerciaux. » Les concepteurs imaginent donc un volume découpé avec des trames régulières et une succession de toitures à deux pentes, qui respectent les gabarits alentour. L’ensemble s’insère avec délicatesse dans le tissu urbain et entretient une relation subtile avec les bâtiments voisins : le long de la nouvelle voie piétonne, un enchaînement de pignons, ouverts au rez-de-chaussée et habillés d’un bardage en bois sur les niveaux supérieurs, réinterprète l’esthétique des maisons traditionnelles à colombage. En écho aux allées commerçantes du centre ancien, flânerie et convivialité s’invitent dans ce nouveau passage. Depuis la rue du Chapeau-Rouge, l’équipement adopte une toute autre allure avec sa longue façade en verre sérigraphié. Comme les autres matériaux utilisés, zinc et douglas, celui-ci se marie avec douceur à la pierre et aux ardoises locales, tout en apportant une touche plus actuelle au quartier. Conjuguant mixité programmatique et tissage harmonieux avec l’héritage architectural, le projet de Groupe-6 dynamise un cœur urbain en perte de vitalité. Une alternative suffisante aux vastes galeries commerciales qui s’implantent en sorties de ville ? Espérons-le !