Recourir à des matériaux biosourcés n'est pas une primeur pour les architectes de l'équipe nantaise forma6. Ces derniers avaient déjà utilisé, de manière très belle et hors du commun, un parement de chaume pour habiller la Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie de Nantes. Le choix de ce type de matières n'est cependant pas un principe systématique, la philosophie générale de l'agence étant, en premier lieu, de trouver des solutions durables, efficientes et adaptées. À Mamers, c'est vers la paille, une ressource locale, durable et issue de l'agriculture, que s'est tourné le nouvel objet de recherche portant sur le biosourcé. Ne subissant aucun traitement chimique, la paille offre de multiples avantages écolo. En outre, elle correspond aux normes de résistance au feu.
Une ressource locale
Même si l'application construction de la paille n'est pas encore tout à fait courante, la filière est en place dans la région : « nous avons utilisé la paille comme isolant », explique l'architecte Laurent Lancien. Il poursuit : « il s'agit de blocs rectangulaires de 37 centimètres d'épaisseur, provenant d'un rayon de moins de 200 kilomètres. Plus denses que les bottes à usage agricole, elles sont fabriquées par La petite botteleuse, entreprise spécialisée dans la paille pour le bâtiment. Ce qui compte, c'est la densité et les éléments sont tassés jusqu'à parvenir à 115 kilos par mètre cube. » De fait, tout est préfabriqué en usine, ce qui favorise la filière sèche, et les ballots sont confiés à une entreprise de charpente bois en charge de structurer l'isolant naturel, grâce à des caissons de bois. Les aspects constructifs sont finalement assez élémentaires, mais ils nécessitent un temps de travail soigné, dans un lieu sain, à l'abri de l'humidité.
Les deux nouveaux bâtiments (4 652 mètres carrés pour les classes et 1 377 mètres carrés pour l'administration), ménageant des vues vers le cœur paysager du collège, sont de simples parallélépipèdes. Ils proposent une organisation claire, visant par ailleurs à minimiser les temps de déplacements, parfois longs, de chaque groupe d'usagers. Ils ne sont pas pour autant simplistes ni monotones : les patios creusés dans la masse sont bordés de fins claustras métalliques, tandis que le dessin de façade, selon des diagonales régulières et soignées, s'inspire des colombages que l'on rencontre dans la région. on retrouve ce même graphisme triangulaire sur certaines parois de béton brut, à l'intérieur des constructions, obtenu par un travail de grenaillage dans la masse et au moyen de pochoirs.
Une rapidité de chantier
La structure porteuse des deux édifices est classique, selon un assemblage de poteaux, poutres et planchers. Les façades présentent, en revanche, un voile béton sur lequel sont fixées des patines métalliques. Ces dernières soutiennent une ossature bois dans laquelle sont glissés les caissons de bois fermés, contenant l'isolant de paille, arrivant sur site quasiment à l'état fini. Sur ces caissons est posé le pare-pluie et, enfin, le revêtement final en panneaux composites de couleur dorée, qui souligne la volumétrie. « Ce système de vêture est particulièrement efficace, détaille Laurent Lancien, car le temps de montage est rapide, 400 mètres carrés peuvent être réalisés en une semaine. » Pour l'équipe de forma6, s'attachant à développer une technique particulière pour chaque programme, un second pari tenait au respect de l'enveloppe financière globale. Si le coût de cette mise en œuvre écologique atteint 70 euros par mètre carré, celui-ci est envisagé dans une conception globale du projet. Dès le départ, un curseur est mis en place pour l'ensemble des éléments de construction et il permet d'équilibrer le budget, sans inconnue. Ce mode constructif envisage également sa réutilisation, la paille pouvant être recyclée en fin de vie du bâtiment. Ce type de démarche novatrice implique un travail collaboratif, tant en lien avec le domaine agricole qu'avec les structures de recherches environnementales ou les divers BET. « Ici, à Mamers, nous avons bénéficié de très bons accompagnements. Le cabinet Tribu, par exemple, spécialisé dans l'environnement, a été un acteur du projet à part entière », précise encore l'architecte. L'écologie ne se réduit donc pas au seul matériau, c'est aussi toute une discipline qui reconstruit ses hiérarchies et ses modes de pensées.
Pour leur prochain projet, fidèles à leur désir d'expérimentation écologique, les forma6 ont pour souhait de le développer en terre… afin de préserver la Terre.
► Article paru dans Ecologik 62 : En France, le biosourcé prend racine
FICHE TECHNIQUE
♦ Lieu : cité scolaire Perseigne, Mamers (72).
♦ Programme : reconstruction du collège Alexandre Mauboussin en site occupé et construction du bâtiment administratif et des logements de la cité scolaire Perseigne.
♦ Maîtrise d'ouvrage : Conseil départemental de la Sarthe et Région des Pays de la Loire.
♦ Maîtrise d'œuvre : architecte mandataire et économiste : forma6 ; architecte associé : Atelier Philippe Rousseau.
♦ Bureaux d'études : paysagiste : MAP ; BET VRD : Céramide ; BET structure : Sigma Ingénierie ; BET structure bois : Racine BE ; BET thermique et plomberie : BET Boulard 14 ; BET électricité et SSI : BET Bader ; BET HQE : Tribu ; BET acoustique : Acoustibel.
♦ Coût des travaux : 12 184 000 euros HT.
♦ Surface : totale : 6 837 m² dont collège : 4 652 m² ; administration : 1 377 m² ; logements : 808 m².
♦ Calendrier : 2014, conception ; 2018 : livraison d'un premier lot.
♦ Système constructif et matériaux : béton poteau poutre ; en façades : panneaux composites ; bottes de paille.
♦ Mesures environnementales : projet RT2012.