Rédigé par Élise Fargetton, Guillaume Morel-Chevillet | Publié le 16/01/2020
À Tokyo, un quartier entier vit depuis toujours au rythme de l'agriculture urbaine. À l'heure où les agriculteurs urbains occidentaux trouvent difficilement des terres à cultiver, au Japon, l'équilibre entre la ville et la nature a toujours existé. Il n'est donc pas si étonnant que les 720 000 habitants de l'arrondissement de Nerima, au nord-ouest de la mégalopole, côtoient aujourd'hui près de 430 fermes urbaines, qui ont résisté à l'étalement et à la croissance de la ville.
Soutenues économiquement et techniquement par la mairie de l'arrondissement, elles fournissent choux, soja, fraises, myrtilles ou fleurs aux Tokyoïtes désireux de consommer localement des denrées agricoles. En ces lieux, la star incontestée est le radis daikon, un légume ancien pouvant atteindre plusieurs dizaines de centimètres. En décembre, sa récolte est organisée sous forme de compétitions en vue de récompenser le « meilleur cueilleur ». Pour produire autant de variétés différentes, certaines exploitations pratiquent une culture de pleine terre proche de l'agro-écologie, alors que d'autres misent sur les techniques hors-sol et hydroponiques. Concernant la distribution, le circuit court est privilégié via des points de vente sur place ou des marchés et supermarchés de quartier.
À l'échelle internationale, les modèles économiques de ces fermes urbaines sont source d'inspiration pour l'agriculture en ville. Fortes de la multifonctionnalité inhérente à leur localisation urbaine, elles multiplient les activités, comme la location de parcelles potagères à l'année sous la surveillance des agriculteurs, l'intégration des résidents lors d'événements culturels, ou les ateliers pédagogiques auprès des écoles du quartier. L'autocueillette de fruits, comme le kaki, symbolique de la ville, offre aussi la possibilité aux habitants de découvrir ces sites atypiques de production agricole. Fait unique dans le monde, elles sont aussi le lieu de rassemblement et de protection de la population en cas de tremblement de terre ou de tsunami.
Si aujourd'hui l'ensemble de ces fermes urbaines se déploie sur 215 hectares, représentant 40 % des terres cultivées à Tokyo, un lent déclin est en cours. On comptait en effet 1 136 exploitations en 1985 sur près de 750 hectares. Afin de préserver ces espaces précieux, le défi pour la collectivité est triple. D'une part, il faut stopper la destruction des fermes urbaines au profit de la construction ; d'autre part, faciliter la succession entre membres d'une même famille, pour le moment très coûteuse ; et il est également nécessaire de trouver de jeunes agriculteurs urbains pour reprendre les fermes.
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