Ce prix créé par l'architecte et professeure Jana Revedin, soutenu par la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris, est devenu une référence dans le milieu du développement durable. Il est l'emblème d'une architecture vraiment écologique, qui ne s'intéresse pas tant à ses performances énergétiques ou à la mise en œuvre de systèmes exploitant les énergies renouvelables, mais davantage aux procédés de conception, en lien avec leur environnement et les usagers.
Marie-Hélène Contal, directrice du développement à la Cité de l'architecture et du patrimoine, parle justement du malaise ressenti devant la Masdar City d'Abou Dhabi, « éco-cité totale » peut-être, mais gated community construite pour une élite à laquelle personne n'a rien demandé, en dissonance avec la population autochtone et la géographie locale. À l'opposé de ce type d'opération « verticale », la production « horizontale » des lauréats du Global Award for Sustainable repose le plus souvent sur la participation des usagers au processus de programmation, de conception et d'édification. Ici, l'architecture n'est pas uniquement construction, elle est aussi « agent d'émancipation civique », thème que le jury a souhaité honorer cette année en choisissant des équipes dont le travail avec les citoyens est au cœur de la pratique. À l'instar de Raumlabor, dans l'ancien aéroport de Tempelhof, à Berlin, par exemple, qui laisse les usagers s'approprier temporairement les lieux pour ensuite définir avec eux un programme à long terme.
Par ailleurs, l'architecture n'est plus considérée comme un produit fini mais comme un processus. Et si l'architecte en est le déclencheur, c'est sur les habitants que la finalisation repose.
C'est à eux qu'il revient de s'approprier les lieux et de les adapter continuellement, en fonction de leurs besoins et de leurs désirs. Jana Revedin évoque également l'importance des « ressources immatérielles », et notamment du temps, si malmené au siècle dernier, quand la société en pleine révolution moderne ne jurait que par le fordisme et le fonctionnalisme. La communauté du Global Award Sustainable tend à prendre le temps, à s'imprégner du contexte, des traditions, et à réfléchir aux pratiques. Ce temps est celui de la conception mais aussi celui de l'usage : « Je souhaitais que les circulations soient interrompues par la présence d'arbres. Il est impossible de parcourir l'Institut sans faire attention, la tête plongée dans son Smartphone », indique Boonserm Premthada à propos de l'Institut Kantana du film et de l'animation de Pathom, en Thaïlande, un ouvrage aux formes sinueuses magnifiquement réalisé en brique. Un temps également érigé au statut de valeur ajoutée lorsque Lacathon & Vassal et Frédéric Druot promeuvent la préservation des grands ensembles et leur rénovation avec l'ajout d'espaces de qualité. Ils parlent ainsi de la « richesse » de la cité du Grand parc, à Bordeaux, « liée à plus de cinquante années de vie ». Parce que détruire anéantit tout travail d'appropriation. Si ces tenants du développement durable s'intéressent à l'existant et au vernaculaire, aux ressources tant humaines que matérielles disponibles sur place - le centre des visiteurs de Twyfelfontein, réalisé en plein désert namibien par Nina Maritz à l'aide de bidons d'acier, en est un exemple réussi ; ou les écoles construites au Pérou par l'association Semillas créée par Marta Maccaglia -, ils ne cessent cependant d'expérimenter et prônent un apprentissage par le faire.
Les disciplines se mélangent, les hiérarchies ne sont plus de mises : on travaille ensemble et c'est ainsi que l'on apprend. L'architecture durable, au fond, n'est pas uniquement une question de bon sens, elle est aussi un levier pour une société meilleure.
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