© Alexandra Grill
Avez-vous remarqué un changement dans la manière dont l'opinion publique considère la construction en pisé non stabilisé et son érosion naturelle ?
Grâce à des exemples convaincants et des projets de référence, comme ma propre maison, la construction en pisé gagne de plus en plus l'intérêt et la confiance des gens. Néanmoins, le chemin est encore long jusqu'à ce que cette technique soit envisagée par un plus large public. À l'heure actuelle, bâtir en pisé reste une niche. En ce qui concerne l'érosion naturelle, c'est davantage un problème psychologique que technique, il s'agit d'accepter la part « d'érosion contrôlée » sur les façades.
Vous édifiez en ce moment le siège de Lehm Ton Erde, votre entreprise. Comment positionnez-vous ce bâtiment au regard de votre carrière ?
Des années d'expérience, combinées à la réalisation de nombreux programmes en pisé, ont été nécessaires pour mettre au point ce nouvel atelier. Les deux projets majeurs, le Ricola Herbal Center, près de Bâle, en Suisse, et le Campus Alnatura, à Darmstadt, en Allemagne, adoptant la technique du pisé préfabriqué, ont clairement démontré que l'avenir de ce procédé passera par l'industrialisation de sa production. Les résultats de nos recherches sur ces deux opérations - préfabrication, isolation intégrée, etc. - ont alors pu être injectés dans la construction de ce nouvel atelier, ainsi que dans l'organisation future de notre travail.
À ce propos, en quoi cette nouvelle halle de préfabrication va-t-elle modifier votre manière de travailler ?
Grâce à notre nouvel atelier et à l'optimisation de nos machines, nous pourrons augmenter considérablement notre efficacité et garantir une qualité élevée et constante dans tout le processus de production de blocs en pisé. Celle-ci s'affranchira des intempéries, ce qui permettra une activité continue tout au long de l'année, des prévisions plus fiables, ainsi qu'une réduction des délais et des risques.
Après la machine de préfabrication, l'isolation intégrée, le système de chauffage spécifique, quelles sont les nouvelles mises en œuvre du matériau sur lesquelles vous travaillez actuellement ?
Nous étudions l'idée de développer un catalogue de composants en pisé : éléments préfabriqués, détails de mise en œuvre, etc. Il amènera une certaine standardisation et une diffusion à plus grande échelle de la construction en pisé porteur. Les architectes et les urbanistes pourront s'en saisir et, ainsi, planifier des ensembles résidentiels entiers. Notre vision est celle de la ville d'argile.
Dans vos publications, vous vous interrogez sur la possibilité d'étendre massivement le recours au pisé. Quelles sont vos propositions ?
Avec davantage de projets exemplaires et un gros travail de relations publiques, nous souhaitons repenser la durabilité des bâtiments et susciter l'intérêt du secteur de la construction, en insistant particulièrement sur les éléments en pisé préfabriqués. En Autriche, nous pensons que cela pourrait conduire à une utilisation plus conséquente du pisé à l'échelle nationale.
L'optimisation des délais et des coûts ouvrira-t-elle, un jour, la réalisation de logements destinés au grand public ?
L'optimisation des coûts et l'augmentation de l'efficacité devraient rendre les bâtiments en pisé plus performants et donc économiquement plus accessibles. Avec l'industrialisation et la standardisation des composants, rien n'empêchera alors la démocratisation du matériau.
Pensez-vous que la construction de logements collectifs en pisé soit pertinente en ville ?
Tout comme la construction bois, la terre a sa place en ville. L'emploi du pisé pourrait très bien être envisagé dans des constructions hybrides, associé à du bois pour les éléments structuraux et les cloisons, par exemple. Il ne faut pas forcer le choix du pisé, mais, au contraire, savoir intégrer ses limites techniques.
⇒ Découvrir son projet de bureaux à Darmstadt