Sur les traces de la fracturation hydraulique, le reporter Sylvain Lapoix mène l’enquête. Une investigation au long cours, mise en images par le dessinateur Daniel Blancou, pour une BD qui se lit d’un trait, entre actualité et roman noir.
Sylvain Lapoix est journaliste : « Au début de mes recherches sur les gaz de schiste, raconte-t-il, chaque fois que l’on me demandait quelle était la première nuisance qu’ils causaient, je répondais “la pollution de l’eau”. » Mais après dix jours passés sur les routes du Dakota du Nord, aussi monotones que les chants indiens des radios locales, il a bien été forcé d’admettre qu’il y avait pire : les camions. Ainsi commence la bande dessinée Énergies extrêmes, avec des semi-remorques chargés de têtes de puits et de béton, lancés à 120 kilomètres à l’heure dans les Grandes Plaines américaines. Signée par le reporter et un illustrateur, Daniel Blancou, cette BDse lit comme un polar. Pourtant, ses bulles n’ont rien d’une fiction ! Quatre ans d’enquête y défilent dans des paysages désolés, de la vallée de Monongahela, en Pennsylvanie, à la campagne de la Dourbie, au fin fond du Languedoc. Un univers de machines et de plates-formes désertes, où se croisent ingénieurs mégalos et roughnecks, ces travailleurs du pétrole prêts à tout. Si les gaz de schiste ont déjà fait couler beaucoup d’encre, les images hyperréalistes de Daniel Blancou finissent d’esquisser le sombre tableau de la fracturation hydraulique, une technique interdite en France depuis 2011.
Lire entre les lignes
D’abord publié en trois volets dans La Revue dessinée, ce long travail d’investigation révèle de façon éclatante les failles des « énergies extrêmes ». S’il ne fera pas cesser la bataille de lobbying qui les entoure, chacun pourra en tirer les conséquences de la fin des fossiles faciles. « Les gaz de schiste ne constituent que la partie émergée de l’iceberg, rappelle Sylvain Lapoix : ils cachent beaucoup d’autres ressources en hydrocarbures encore plus dangereuses pour l’environnement, qui pourraient s’engouffrer dans la brèche. C’est à cela qu’il faut réfléchir ! » En attendant, ce roman noir aux images hautes en couleur permet de lire, toujours avec plaisir, entre les lignes du storytelling politique…