De 1868 à 2011, le site de 75 hectares était le siège des chemins de fer nationaux, où 1 300 personnes travaillaient. Lorsque l'activité cesse, la municipalité de Tilburg achète le terrain. Un plan directeur est adopté en 2012, plaçant le savoir, l’entreprenariat et l’innovation sociale au cœur du programme.
Vers plus d’ambition urbaine
Mais, dès 2015, après les premières réalisations, est constaté un manque de cohérence, de flexibilité et de progressivité entre les projets au regard de l’évolution du marché immobilier. La ville s’efforce de préserver et protéger autant de bâtiments que possible car ils contribuent à faire son identité et représentent une source d’inspiration pour les nouveaux développements. Dix d’entre eux sont classés monuments municipaux, comme l’emblématique halle des locomotives –ou LocHal–, le Koepelhal (les ateliers de maintenance) et la forge. Un permis environnemental et une étude de faisabilité du comité de l’environnement sont alors exigés pour tous travaux de démolition ou restructuration. Un accord de coopération de dix ans est signé en 2016 entre la commune de Tilburg et la province du Brabant du Nord pour explorer ensemble les options d’aménagement et de restructuration de la zone ferroviaire. La province défend une politique au cœur de laquelle se trouve la valorisation des patrimoines matériels et immatériels. En 2017, le conseil municipal exprime le souhait d’en conserver plus qu’initialement prévu à la suite du remplacement d’anciennes constructions par de nouvelles. La municipalité procède alors à des ajustements du plan pour traduire cette volonté de rééquilibrer l’ancien et le nouveau.
SPZ013 est développé selon cinq piliers, qui résument l’ambition souhaitée d’une ville « inclusive, durable et saine » : « fierté, avenir, mixité, waouh et courage ».
Les anciens bâtiments sont gardés autant que possible et la construction d’immeubles de grande hauteur est autorisée. Plus classiquement, la bonne localisation du site à proximité de la gare permet d’y envisager un programme ambitieux de développement économique, résidentiel, culturel. À l’initiative de la ville, de la province, d’universités et de l’entreprise de médias De Persgroep, le cluster Mind Labs est créé autour des «technologies et des comportements interactifs».
LocHal, une médiathèque innovante
Après quatre ans de travaux, LocHal est devenue une médiathèque d’un nouveau genre. La quasi-totalité du bâtiment, datant de 1932, est conservée pour y glisser les 11 200 mètres carrés du nouveau concept de bibliothèque municipale. L’enjeu est fort car les espaces classiques sont complétés par des espaces de travail et de rencontre. LocHal, c’est aussi un mini-palais des congrès, avec 18 salles de réunion d’une capacité de 2 à 220 personnes et des laboratoires pour rechercher et expérimenter: fablab, foodlab, future lab, game lab, time lab, word lab. Deux espaces de restauration sont présents dans LocHal et les zones ouvertes servent de scène ouverte ou de lieu d’exposition. La structure métallique et largement vitrée de la halle, de 90 par 60 mètres, avec une hauteur libre de 15 mètres, n’est pas étrangère à l’effet vitrine du projet conçu par le trio de maîtres d’œuvre : CivicArchitects, Braaksma&Roos et InsideOutside/PetraBlaisse. Avec une telle présence dans la mémoire collective, le concept retenu est plus celui d’une place couverte que d’un bâtiment en tant que tel. Les qualités de l’édifice sont mobilisées pour SPZ013, avec des ajouts ponctuels lorsque cela est nécessaire. La nouvelle architecture est pensée comme un grand escalier. Du sol, d’utilisation très publique, il mène à des lieux plus intimes sur les niveaux élevés et à un balcon sur la ville. Il s’appuie sans fondations sur le sol, conçu pour supporter de lourdes locomotives. Des matériaux bruts sont employés pour résonner avec la structure existante : acier noir, béton, verre et bois. Pour éviter le concept de « boîte dans la boîte » et offrir ainsi la jouissance du grand volume, cinq zones climatiques sont calculées en fonction des usages, selon le principe de «chauffer les usagers, pas l’espace ». Pour moduler les espaces intérieurs et améliorer le confort acoustique, six rideaux textiles géants représentant 4 125 mètres carrés sont suspendus à la charpente. Mobiles, ils cloisonnent un auditorium semi-privé ou servent d’écran lors d’événement. Mecanoo a conçu les aménagements intérieurs avec de grandes étagères mobiles, comme dans une librairie, et de grandes tables «train » coulissent sur les rails conservés. L’intérêt du réemploi de cette cathédrale industrielle tient aussi à sa gestion, car, avec un tel programme et une ouverture tous les jours de la semaine de 8h00 à 22h00 et le week-end, difficile de ne pas s’y rendre, même depuis la France.
► Article paru dans Ecologik 63 : Reconvertir, réhabiliter, muter