Bien qu’il soit architecte de formation, c’est presque par hasard que le producteur et réalisateur Jean-François Dareths découvre le travail de l’agence Salier-Courtois-Lajus-Sadirac durant ses études. À l’époque, seul un catalogue d’exposition est dédié à cette œuvre originale et éclectique. Au contact d’Emmanuel Lajus, le fils de Pierre, il en décèle peu à peu toute la puissance : « Au fur et à mesure que je fouillais, je découvrais des pépites ». Mais l’aventure ne commence réellement qu’en 2013, quand il remporte un appel à projets de la Région destiné à valoriser culture et patrimoine aquitains. Un an plus tard, il livre un webdocumentaire consacré à ce « mouvement » des années 1950-1970, qui a influencé plusieurs générations de professionnels.
Après une brève introduction, Pierre Lajus se plie ici au jeu des questions-réponses et nous fait découvrir quatre bâtiments phares, en compagnie de Jean-Louis Sissac à qui il donne la réplique. Dans ces quatre épisodes divisés en courts chapitres, il présente tour à tour la chapelle de Grand-Lebrun, le hameau de Noailles, les maisons Geneste et Girolle – que l’atelier souhaitait voir pousser comme des champignons… aujourd’hui il en existe près de 1 100 exemplaires ! Ces projets n’ont en commun que la qualité, le «plaisir d’habiter » remis au cœur du bâti et un « régionalisme critique » qui ne se revendiquait pas encore en tant que tel.
Des édifices vernaculaires et de la nouvelle architecture en bois californienne, les quatre concepteurs retiennent formes et matériaux ; du mouvement moderne, ils adoptent les « plans immaculés » de Niemeyer, les grandes toitures en porte-à-faux de Neutra, les poutres encastrées dans le vitrage du Corbusier, le béton en pierre concassée de Pingusson, etc. En somme, comme le dit l’historien Marc Saboya, ils ont su faire entrer, sans envolées lyriques ni doctrines pompeuses, « une modernité qui, dans l’espace domestique, n’existait pas en France ». « Il n’y a pas de théorie mais un vocabulaire emprunté de-ci de-là, qui essaie d’être cohérent », renchérit Pierre Lajus, avant de résumer avec sa modestie habituelle ce morceau de vie : « Nous étions vraiment des architectes déterminés à changer les choses. » Après la présentation du documentaire à Arc en rêve en novembre 2014, le pionnier bordelais précisait, sourire en coin : « Je me réjouis d’avoir pu exprimer avec le recul, mieux que je n’aurais su le faire il y a trente ans, ce qu’il y a eu d’exceptionnel dans notre aventure. Comme quoi, il n’y a pas que des inconvénients à prendre de l'âge ! »