Électricité, gaz, chaleur, eau, télécoms, transports, les réseaux sont au cœur de la ville intelligente de demain. Nombre d'expérimentations sont en cours depuis près d'une décennie afin de tester la flexibilité accrue rendue nécessaire par la demande fluctuante et l'intégration grandissante de sources renouvelables (tant en électricité qu'en gaz, voire en chaleur), la montée en puissance des véhicules électriques1 ou bas carbone, l'optimisation du trafic et la mise en œuvre de stationnements intelligents, ainsi que la maximisation des pertes d'énergie (réseaux de chaleur ou d'eau). Au centre de ces expérimentations, les réseaux. À l'origine, les réseaux sont conçus comme « descendants », c'est-à-dire que le fluide livré vient d'une source, en général une grande installation (centrale électrique, gazoduc ou terminal méthanier, retenue d'eau, etc. ).
Et « le premier fondamental des réseaux », comme le rappelle Christian Buchel, directeur stratégie d'Enedis, le principal distributeur de courant français, et président d'Edso-e, l'association européenne des distributeurs d'électricité, est « de garantir la continuité d'alimentation et la qualité de service ».
Les gestionnaires de réseau raccordent les consommateurs, dont les collectivités locales, qui sont souvent de grands demandeurs (administrations, écoles, éclairage public, etc. ). Dans nombre de pays comme la France, c'est un régime de concession qui prévaut, avec délégation de service public de la distribution à une entreprise. La libéralisation des marchés européens de l'énergie a scindé les gestionnaires de réseau de l'emprise du fournisseur et du vendeur d'énergie. Deux entités distinctes ont été créées, pour le transport (GRT) et pour la distribution (GRD). Historiquement, en France, cohabitent les « grands », RTE, GRTGaz, Enedis et GRDF, aux côtés de plus petites entreprises locales de distribution (170 en tout). Un découplage qui a favorisé la mise « en silo » des réseaux.
Si les GRT ont un rôle certain dans les grands équilibres à l'échelle du pays, voire de l'Europe, ce sont surtout les GRD qui sont au contact des demandes des futures villes intelligentes. Des villes qui accueillent d'ores et déjà la moitié de la population mondiale (70 % en 2050) et qui, pour les plus grandes, sont en compétition pour attirer les entreprises et faire face à une croissante population urbaine. Dans cette concurrence, la préoccupation climatique joue à plein. En France, elle a généré la mise en œuvre de plans climat, air, énergie territoriaux (PCAET). Le développement des énergies renouvelables a fait émerger des schémas régionaux climat, air, énergie (SCRCAE) ainsi que des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables ( S3REnR ). Dans tous ces développements, les gestionnaires de réseau ont leur partition à jouer.
Dans un rapport remis au président de la République en 2015, Michel Derdevet, secrétaire général d'Enedis (le principal GRD électricité français), soulignait ces enjeux pour les responsables énergétiques, mais son constat va bien au-delà. « Les réseaux énergétiques européens sont soumis à un cahier des charges profondément renouvelé dans ce contexte de transition énergétique. » Leur organisation doit en effet désormais permettre tout à la fois d'accompagner la décentralisation (dispersion des moyens de production renouvelables) alors que les réseaux n'ont pas été initialement conçus pour cette fonction de collecte des énergies renouvelables. Il s'agit aussi de « piloter une complexité d'un ordre nouveau, en raison de la variabilité de certaines énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque), mais aussi avec l'émergence de nouveaux usages, tels les véhicules électriques, tout en assurant les solidarités entre les États et les régions, dans un contexte où les incertitudes technologiques des filières nouvelles viennent s'ajouter à celles, plus anciennes, d'ordre géopolitique, tout en continuant à garantir un égal accès aux services énergétiques, sans que la transition devienne un facteur de discrimination à l'encontre des citoyens les plus fragiles économiquement. »
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