Une des motivations de cette prise en compte assez générale et récente (l'hygiénisme de la fin du XIXe et du début du XXe siècle a touché essentiellement les très grandes villes) est la somme de services que cette nature rend à l'homme, même en ville. C'est le Millennium Ecosytem Assessment (une sorte de Giec sur l'identification des services rendus par la nature) qui, en 2005, a proposé une classification en services de production, services de régulation et services culturels. Et sa conclusion est que notre société est directement dépendante des fonctionnements naturels.
Un verdissement utile
Le verdissement prend alors une valeur complémentaire au simple décor d'habiter et de contexte d'ambiance. En multipliant les plantations, on augmente les services pour le citadin et son bien-être. Par exemple le bruit, les îlots de chaleur, les eaux pluviales ou bien la qualité de l'air peuvent être régulés par de la végétation installée. Les liens sociaux se renforcent (jardins partagés). Le verdissement est devenu un des objectifs de nombreuses municipalités pour ces intérêts, mais aussi pour renforcer une image de ville saine et agréable à vivre.
D'une biodiversité à l'autre
Beaucoup de discours utilisent maintenant le terme de biodiversité. Pourtant nature et biodiversité n'ont pas le même sens. Pour l'écologue, la définition de la biodiversité est précise : il s'agit d'une diversité en gènes, espèces ou écosystèmes et de leurs interrelations.
La biodiversité n'est pas qu'une collection d'espèces, mais bien un système avec ses processus (relations dans une chaîne alimentaire par exemple).
Mais cette définition est très loin d'être comprise et traduite dans les faits. Il y a un abus de langage qui semble bien commode pour valoriser toute action de plantation, depuis le potager jusqu'aux murs végétalisés d'espèces exotiques. En ville, les espèces sont majoritairement des espèces végétales ou animales domestiques, cultivées ou horticoles. Leur présence est liée aux comportements humains d'appréciation et non de fonctionnalité. La réflexion de l'écologue est de dire que si, a priori, le pot de fleurs sur le balcon n'est pas de la biodiversité, mais un être vivant isolé déplacé là, il peut cependant rentrer dans un fonctionnement de biodiversité quand un pollinisateur s'y attarde ou qu'un puceron s'y alimente. La présence d'un grand nombre d'espèces qui n'ont pourtant pas coévolué peut donc créer une nouvelle biodiversité, si on s'appuie sur la notion de fonctionnement.
Aller vers la durabilité
Quel est alors l'intérêt de viser une biodiversité avec ses fonctionnements au lieu d'un verdissement que les paysagistes et les services des espaces verts savent déjà assez bien faire ? Ce qui est en jeu c'est la notion de durabilité. Les grandes pelouses, les alignements de platanes ou les toitures de sedum sont de type monoculture, donc fragiles à tout accident climatique ou sanitaire. Ils nécessitent, comme en agriculture, des gestions et des soins réguliers. Une diversité d'espèces est bien plus résistante et donne une forme de stabilité au système, au paysage. Une ou des espèces peuvent disparaître sans que toute la plantation soit détruite. Par ailleurs, des habitats simplifiés comme les pelouses ou les toitures de sedum accueillent peu d'espèces animales et végétales. Reconstituer un habitat riche c'est donc à la fois lui garantir une durabilité, mais aussi lui donner un rôle dans une trame verte urbaine qui doit permettre la dispersion des espèces au sein des milieux urbanisés. Comme un des problèmes fondamentaux de la nature en ville est son entretien, il faut rappeler que la présence de nombreuses espèces limite la gestion et le jardinage. Par exemple, une faune du sol riche aère la terre et de nombreuses « mauvaises herbes » limitent l'arrosage et la prolifération d'espèces envahissantes…
Sans remettre en question les espaces patrimoniaux (parcs à la française… ), multiplier les habitats d'espèces locales, c'est donc œuvrer pour le citadin comme pour la biodiversité elle-même.
Avec plus de 20 % d'urbanisation sur notre territoire métropolitain, la ville a maintenant aussi un devoir de conservation de la biodiversité. Cela pose de nouvelles questions aux paysagistes, aux architectes mais aussi aux écologues, qui sont face à de nouvelles formes de biodiversité !
Article paru dans Ecologik 54 : Ville-campagne