L'immeuble Le Jour, à Paris XIVe, entre les voies ferrées et les boulevards des Maréchaux, s'est radicalement transformé. Il a troqué son aspect fumé des années 70 contre une façade entièrement vitrée ; il s'agit d'une réalisation d'une autre ampleur, tel un véritable vaisseau de verre. Studios Architecture s'est vu confier le projet de réhabilitation lourde, en collaboration avec l'agence Bruther, pour le promoteur Pitch. Il s'agissait d'entremêler l'enjeu urbain et des objectifs programmatique et environnemental. La construction initiale, à l'allure frontale et déjà de grande hauteur en 1978 avec ses treize étages, s'est désormais épaissie, tout en courbes.
Les architectes, considérant que le bâti ment d'origine était isolé de son contexte, sans lien avec la rue, ont alors décidé d'établir un dialogue avec le quartier, « une réconciliation à travers l'utilisation de courbes » (James Cowey, Studios Architecture).
Le volume fut décomposé en strates : l'une alignée sur la rue, l'autre en retrait et en courbes avec l'extension de six étages. Ce jeu de courbes propose une lecture du bâti moins abrupte, plus douce. Le programme s'élance sur de grandes lignes, dessinant un rapport d'échelle avec les voies ferrées.
Un jeu d'ouvertures et de transparences
L'importante restructuration a fait du rez de-chaussée une zone traversante. Un auvent en lisière de rue concrétise la transition entre l'espace public et l'espace privé. Il privilégie la transparence sur la vie intérieure de l'édifice et le cœur d'îlot jardiné, conçu comme un sous-bois. L'arrière, plus austère avec salongue façade sans accidents, dialogue parfaitement avec la place en étoile et ses cinq bâtiments en angle.
L'extension, dans sa forme ondulée, apporte une nouvelle fluidité à l'ensemble et accueille trois nouvelles terrasses. Une lentille marque l'angle et l'entrée de l'immeuble, affirme l'alignement avec la rue et amène de la lumière vers les espaces en infrastructure.
Surfaces supplémentaires et fluidité
La réhabilitation du Jour réussit à offrir une meilleure insertion urbaine tout en créant une surface supplémentaire de bureaux de 5 000 mètres carrés : un défi de taille dans Paris, qui présente déjà une densité très élevée. La programmation du projet est entièrement dédiée au tertiaire, avec ses 25 000 mètres carrés répartis en plateaux de 1 700 mètres carrés pour les étages hauts, 2 500 mètres carrés pour les niveaux bas et 2 000 mètres carrés de terrasses et jardins.
Le confort d'exploitation souhaité par les utilisateurs n'a pas permis de mutualiser des espaces avec le public, mais un grand restaurant interentreprises en contrebas de la rue et de grandes terrasses aux étages favorisent les rencontres entre employés.
Pour des raisons de réglementation urbaine et d'économie de moyens, la structure béton a été préservée et la façade minimaliste dissimule de nombreuses subtilités nées de l'extension. Elle unifie, par exemple, les hauteurs toutes différentes entre les planchers, qui varient entre 2, 60 mètres et 2,80 mètres. La trame existante a été conservée, avec ses allèges hautes à 80 centimètres, alors que la trame de l'agrandissement a été optimisée par le choix d'ouvertures toute hauteur. L'extension a favorisé des espaces fluides afin de procurer une grande flexibilité d'aménagement.
Noblesse des matériaux
L'écriture architecturale est soignée, raffinée. Une partie du hall d'accueil est en double hauteur, bordé d'un mur ajouré de meurtrières vitrées donnant sur l'espace de restauration en contrebas. Cette zone ouvre sur les espaces polyvalents : salles de formation, une cafétéria lumineuse, les locaux courriers, la conciergerie. Les matières nobles sont à l'honneur : sol minéral en pierre naturelle de Moleanos, plafond métallique en lames blanches, banque d'accueil en laiton, mur bi-matière en acier et verre émaillé, paliers d'ascenseurs en verre blanc émaillé, signalé tique en bronze. Les matières contrastent avec les poteaux de béton existants, à la matérialité brute. L'atmosphère est lumineuse et intemporelle. Au treizième étage, la terrasse, qui possède une vue imprenable sur Paris, est tout aussi soignée : un revêtement entôle métallique ondulée intègre et dissimule les équipements techniques.
Enjeux climatiques
Réaliser une rénovation d'une telle ampleur nécessite de tenir des objectifs importants de régulation thermique, avec des certifications nombreuses, dont le BREEAM, standard de certification bâtiment le plus répandu à travers le monde. Tous ces labels apparaissent actuellement essentiels pour les investisseurs afin d'attirer les sociétés. La façade rideau, constituée de blocs de fenêtre à double vitrage, répond à ces exigences. Quand des reconversions lourdes et denses parviennent à allier insertion urbaine et enjeu environne mental, la ville se transforme positivement.
► Article paru dans Ecologik 63 : Reconvertir, réhabiliter et muter actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne
FICHE TECHNIQUE
♦ Lieu : rue Raymond Losserand (Paris 14e).
♦ Programme : bureaux.
♦ Propriétaire : Tishman Speyer.
♦ Maîtrise d'ouvrage : Pitch Promotion.
♦ Maîtrise d'œuvre : architecte de conception : Studios architecture ; maîtrise d'œuvre d'exécution : Bruther, Builders & Partners.
♦ Bureau d'études TCE : Artelia.
♦ Bureau d'études environnement : Élan.
♦ Acoustique : Acoustique & Conseil.
♦ Coordonnateur SPS : LM3-C.
♦ Paysagiste : Babylone.
♦ Conseil en sécurité : GNPS.
♦ Bureau de contrôle : Socotec.
♦ Entreprise principale : Bateg.
♦ Surface utile : 25 000 m².
♦ Calendrier chantier : 2015- 2018.
♦ Coût extension et rénovation : 50 millions d'euros HT.
♦ Système constructif et matériaux : béton, verre.
♦ Performance énergétique : BREEAM Very Good ; HQ : Très Bon.
♦ Labels : BBC Effinergie rénovation, Bio diver City®.