Ancienne ville minière et textile, Tourcoing a entamé en 2008 un grand projet de rénovation urbaine destiné à restructurer l’espace public et à créer de nouveaux logements et équipements, en portant une attention particulière au développement durable. Bien qu’elle ne fasse pas partie des opérations lancées à l’origine par l’ANRU, la Ville et le bailleur social Vilogia ont tout de suite adhéré à la proposition de l’Atelier 9.81 visant à créer 26 habitations BBC, et ont accepté l’intention inédite des concepteurs de les doter d’espaces extérieurs partagés.
Maisons avec espaces partagés
« Nous voulions introduire la notion de vivre ensemble dans de l’habitat individuel et donner aux gens l’opportunité de se rencontrer », explique Cédric Michel. Pour ce faire, il propose la réalisation de 26 logements fragmentés en sept petites barres de deux étages, constituées chacune de deux à trois unités comportant un T5 en duplex ou deux T3. En face de chaque module s’étendent des espaces verts privatifs. Jusque-là, tout semble rappeler des lotissements standard… pourtant il n’en est rien : les jardins sont circonscrits par des haies basses et une noue. Cette ambiguïté du traitement des limites rend la différence entre sphères privée et publique difficilement reconnaissable visuellement, mais aussi pratiquement. « On voit tout le temps les gamins courir à travers les jardins », révèle l’architecte que cette utilisation communautaire du site réjouit. « Nous avons essayé d’intégrer une dimension collective à un ensemble de maisons, afin que les résidents puissent profiter des avantages de ces deux modes de vie sans souffrir de leurs inconvénients », poursuit-il.
Une affaire de compromis
Une « pièce en plus » non chauffée baptisée « serre », non comptabilisée dans la surface habitable, est accolée à chaque logement. Tantôt complètement intégrés au reste de l’habitat, tantôt aménagés en jardin d’hiver, voire utilisés pour stocker outils, vélos et bric-à-brac, ces espaces qui constituent des mètres carrés supplémentaires bon marché sont surtout intéressants pour leur rôle de tampon thermique : « Nous avons orienté les façades principales des bâtiments à l’est et à l’ouest, parce que cela nous semble plus agréable au quotidien. Mais pour qu’ils bénéficient quand même des rayons du sud, les serres dépassent de 1,30 mètre au-dessus des toits côté midi ». Des ventilations mécaniques contrôlées à double flux sont installées dans ces volumes naturellement préchauffés. « Tout est affaire de compromis : dans le mode d’habiter, entre intimité et vie collective ; dans la gestion des performances thermiques, entre qualité de vie et apports solaires optimaux », affirme l’architecte.
Pari lancé
« Le pari était que nos propositions fonctionnent, que les gens s’emparent de leurs avantages », souligne Cédric Michel. Désireux de se familiariser avec la construction durable, le bailleur approuve immédiatement l’aspect basse consommation et demande même la mise en place de la géothermie, qui ne faisait pas partie de la proposition de départ. Le caractère expérimental de l’opération motive en outre la mise à disposition d’un budget plus important qu’à l’habitude. Pour habiter ce quartier d’un nouveau genre, la maîtrise d’ouvrage sensibilise les locataires potentiels sur les changements suscités dans leur mode de vie, tant sur le plan des règles à suivre pour limiter la consommation des ressources que sur le « vivre ensemble », et s’assure de leur coopération. « Ne pas avoir de barrière à son jardin peut poser problème lorsqu’on a des enfants en bas âge ou des animaux domestiques », indique l’architecte, réaliste. Aujourd’hui, malgré quelques réunions d’information et l’édition de manuels d’utilisation BBC, Vilogia déplore un manque de compréhension de la part des locataires. Côté espaces partagés, l’appropriation semble néanmoins optimale. Mais si les jardins n’ont pas de clôture, l’ensemble est entouré d’une palissade et les deux entrées sont sécurisées par digicode : « C’est peut-être les limites du système… soit on met la barrière autour de l’habitation, soit on la met autour du groupe de maisons. S’en passer totalement me semble compliqué, confie le concepteur. Ici, les enfants peuvent jouer dehors parce que le site est protégé, ce qui met les parents en confiance. Il faut créer les conditions de cette vie collective. Idéalement il ne faudrait aucun obstacle, mais pragmatiquement, il faut poser des limites par endroits pour que cela puisse fonctionner ». Si d’aventure le bailleur répète l’opération, ou du moins quelques-unes de ses caractéristiques, l’Atelier 9.81 pourra se réjouir d’avoir dépassé ses objectifs.