Cinq concepteurs fraîchement diplômés, une initiative humanitaire de quelques mois en Afrique… Encore un chantier où les participants arrivent et repartent aussitôt la dernière pierre posée, nous direz-vous ? Bien au contraire ! Anastasia, Simon, Pierre Y., Camille et Sylvain du collectif Saga entendent bien dépasser le poncif et lutter contre ce ballet, aussi vain qu’éphémère, de bénévoles qui vont et viennent au rythme des catastrophes et des dons. À Port Elizabeth, en Afrique du Sud, ces cinq jeunes pousses de l’architecture ont décidé de prendre le temps de concevoir un édifice avec et pour les habitants du quartier informel de Joe Slovo. Peut-être le temps nécessaire à la maturation du projet ?
De fil en aiguille
L’histoire commence en 2013, quand Simon Galland, alors jeune étudiant à l’école nationale supérieure d’architecture de Nantes (ENSA Nantes), part étudier à l’université de Port Elizabeth, une ville côtière située dans la province du Cap-Oriental. Là-bas, il rencontre le doctorant Kevin Kimwelle, qui fait des recherches sur l’architecture comme vecteur de changement social. Ensemble, ils participent à la réalisation d’une intervention artistique lors du Richmond Hill Music Festival, fête de la musique à la sauce sud-africaine. Un an plus tard, Kevin propose à Simon, de retour en France, de collaborer à un projet de crèche temporaire à Joe Slovo avec l’association Indalo et l’ONG locale Love Story. « L’idée a germé puis Saga est né », raconte Camille Sablé, autre membre du collectif. En parallèle à leurs cours et à la préparation de leur diplôme, les comparses commencent à étudier la faisabilité technique et matérielle d’une esquisse de Kevin. « Le bâtiment a complètement changé ! » livre Camille Sablé. Quelques levées de fonds plus tard, les voilà partis pour sept mois dans l’hémisphère sud, où ils rejoignent organisations et habitants la déjà très impliqués dans la réalisation de l’équipement avec sa directrice, Patricia N. Piyani. Plus qu’une gestionnaire au sens classique du terme, cette dernière est surtout la responsable du terrain confié par la Mairie. C’est l’usage dans les townships, où la population se voit attribuer à titre gracieux une parcelle… mais peut en contrepartie être expulsée à tout moment.
Du cœur à l’ouvrage
Lorsque le collectif arrive à Port Elizabeth, 80 enfants s’entassent dans des locaux sombres et insalubres, ouverts à tous les vents et sans sanitaires. Pour construire la crèche et son point d’eau, il ne disposait que d’un budget extrêmement limité : « Ça vous pousse à imaginer des solutions innovantes pour composer avec des matériaux qui ne sont pas parfaits », témoigne Camille Sablé. Les associés et les habitants récupèrent donc tout ce qu’ils peuvent : 1 500 bouteilles, 350 palettes, 45 poteaux téléphoniques, 120 pneus et 6 tonnes de verre pilé plus tard, voici la halle de 100 mètres carrés en structure bois achevée. Les pilotis et les pieux en béton sur lesquels elle est juchée lui permettent de résister à la saison des pluies, quand le quartier se transforme en vastes champs de boue. Collée à cet espace principal divisible en trois zones, une structure préfabriquée déjà présente sur le site a été réutilisée et entièrement rhabillée pour héberger un bureau et la cuisine. Quelques foulées plus loin, le point d’eau de 38 mètres carrés permet l’installation des toilettes qui manquaient à l’équipement*. Ce projet n’est que la première phase d’une opération en quatre temps : la crèche temporaire deviendra à terme un atelier de bricolage, quand le bâtiment définitif sera construit sur le terrain voisin ; puis viendront un jardin et un centre communautaire polyvalent que nos cinq comparses comptent bien réaliser de nouveau en concertation avec les habitants. La saga continue…
* Les sanitaires ont été gracieusement fournis par l’entreprise Amalooloo