Familiers de la remise à neuf d'immeubles de bureaux, Elizabeth Naud et Luc Poux ont pourtant réalisé une première au 55 rue d'Amsterdam, dans le 8e arrondissement, à Paris. Il s'agissait pour le duo de restructurer un immeuble dense, de type post-haussmannien, construit en 1929 par les architectes Auguste Labussière et Marcel Reby, connus pour leurs nombreuses réalisations destinées à des industriels. Transformé en 1995, l'édifice a subi les outrages du « façadisme » de l'époque : « Les façades étaient conservées, mais les volumes vidés, de nouveaux planchers étaient construits souvent sans calage cohérent avec les trames de fenêtres », explique Luc Poux qui précise à propos du 55 Amsterdam : « Le bâtiment avait été vidé de sa substance pour obtenir un maximum de places de parkings. Le hall d'accueil, autrefois en rez-de-chaussée, avait été repositionné 21 marches plus bas. Enfoui, il était alors éclairé par un plafond vitré lequel avait rendu la cour centrale inaccessible. Enfin, les plateaux de l'immeuble étaient desservis par trois cages d'escaliers enfermées et des ascenseurs éclatés dans l'édifice, l'escalier monumental, typique de l'architecture de Reby-Labussière, ayant été purement éliminé ».
Le propriétaire des lieux, Gecina, en confie la réhabilitation en 2014 à l'Agence Naud & Poux, une commande dans le cadre de laquelle il s'agissait de reconfigurer l'édifice selon les standards de bureaux actuels et donc de le doter des meilleurs labels environnementaux. Car aujourd'hui, la rentabilité locative est étroitement liée à la performance écologique d'une construction. Au final, cette donnée économique représente une opportunité pour tous.
LISIBILITÉ DES PARCOURS
Dès lors, pour les architectes, il s'agissait de réfléchir au réemploi dans un bâtiment, ainsi que l'expose Luc Poux : « Que garde-t-on ou non pour préserver l'impact environnemental ? Dans ce cadre parisien, le chantier coûte cher, on ne peut rien stocker sur place, les camions qui viennent et repartent représentent une empreinte carbone ».
Ces considérations, associées à des critères à remplir pour l'obtention de labels, ont accompagné les longues études de mise au point du projet qui nécessitaient un sérieux diagnostic préalable à la restructuration. Pour les architectes, il s'agissait aussi de retrouver une lisibilité des parcours, de la lumière naturelle et de permettre la flexibilité. En effet, bien que le bureau nomade connaisse un large développement, il n'est pas pour autant souhaité et souhaitable pour toutes les entreprises.
Le cas n'était pas simple : « Nous devions nous frotter à une double structure, celle d'origine et celle réalisée lors de la première transformation », confie Elizabeth Naud. La restructuration démarre dès la façade sur rue pour clarifier et unifier l'ensemble. Classée, cette dernière a reçu de nouveaux châssis puis une grosse intervention a eu lieu entre les niveaux moins un et le premier. Un plancher poitrail en béton datant de 1995 a été démoli et remplacé par un nouveau en acier, fonctionnant tel un Meccano. Cette intervention a permis de retrouver un niveau continu de plain-pied sur rue et sur un nouveau jardin en cœur d'îlot.
JEUX D'OMBRES ET DE LUMIÈRES
L'astuce des architectes a été au passage de créer un vide intermédiaire sur double hauteur, formant un entre deux entre la rue et le hall d'accueil, vitré sur la cour intérieure. On traverse par une passerelle cet espace qui fait office de galerie d'art, où une sculpture suspendue de l'artiste Jan Kalab occupe pleinement l'espace. En partie nord de l'édifice, en bordure d'une seconde cour intérieure vitrée, un nouvel escalier d'apparat en béton regroupe toutes les circulations. Aérien, large et confortable, il s'accroche sur un mur d'échiffre. De forme courbe et joliment percé, il est le point de repère dans l'immeuble avec ses jeux d'ombres et de lumières. Il dessert les paliers avec sa batterie de trois ascenseurs, mais sa qualité spatiale est une invitation naturelle à le parcourir pour aller d'un étage à un autre, la pratique de l'escalier faisant partie du label Well.
Les espaces de bureaux ont été débarrassés des faux plafonds et cloisons. Une nouvelle isolation extérieure habillée de krion® apporte une grande luminosité en cœur d'îlot, ainsi que dans les bureaux équipés de larges fenêtres montées sur pivot central. En prolongement de ces dernières et dans les plafonds sont placés les équipements technologiques classiques d'aujourd'hui avec tous les capteurs. Les labels obtenus - Effinergie, Breeam, Leed, Well, Biodivercity et Wiredscore - ont permis au 55 Amsterdam d'obtenir en 2017 le grand prix du Simi (Salon de l'immobilier d'entreprise).
⇒ VIDÉO : Restructuration du 55 rue Amsterdam (source : By Béton)
⇒ Actualité parue dans Ecologik 60 : Rénovation tertiaire, l'avenir en jeu
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FICHE TECHNIQUE
♦ Lieu : 55, rue d'Amsterdam, 75008 Paris.
♦ Programme : restructuration lourde d'un immeuble de bureaux démarche environnementale et certifications.
RT 2005 Rénovation
♦ Maître d'ouvrage : Gecina.
♦ Maître d'œuvre : Elizabeth Naud et Luc Poux, architectes associés.
♦ Assistante de projet : Natalia Godlewska.
♦ Structure et fluide : EGIS.
♦ Economie : LTA.
♦ Maître d'œuvre d'exécution : SCO.
♦ Façades : CEEF.
♦ Acousticien : Impact acoustique.
♦ BET Cuisine : Oxalis.
♦ BET paysage : Végétude.
♦ Superficie : 12 515 m2.
♦ Surface totale des espaces végétalisés : 426 m2.
♦ Surface des terrasses accessibles : 656 m2.
♦ Stationnement : 150 places dont 15 emplacements pour voitures électriques.
♦ Superstructure : 9 niveaux.
♦ Infrastructure : 4 niveaux.
♦ Postes de travail : 851.
♦ Calendrier : livraison 2017.
♦ Labels obtenus : Effinergie, Breeam, Leed, Well, Biodiversity, Wiredscore.