Le colloque1 a dressé un état des lieux assez inquiétant sur la qualité de l’air intérieur et ses conséquences sur la santé des usagers. Les polluants peuvent être de nature très diverses : issus de l’air extérieur, des matériaux de constructions, de décoration, des produits d’entretien ou chimiques, de certains modes de chauffage, du tabac, de l’humidité, ou d’un environnement plus immédiat comme les roches, les végétaux, les animaux. Ces polluants restent souvent confinés dans les pièces par manque d’une ventilation efficace2. De plus, certaines familles doivent arbitrer entre manger ou se chauffer. Comme en témoignent les sociologues Isolde Devalière et Marie-Christine Zélem mais aussi Sabine Host, chargée d'études Santé Environnement à l'Observatoire régional de santé Île-de-France, la précarité énergétique induit alors certaines pathologies cardiaques et respiratoires. L’augmentation du coût des énergies ces cinq dernières années a fortement impacté ces ménages qui consacrent un quart de leur budget à leurs factures énergétiques (contre 14 % en moyenne pour les autres ménages). La mauvaise isolation du logement, les installations de chauffage insuffisantes ou le manque de réglage possible, mais aussi certaines pratiques comme le calfeutrement des entrées d’air, l’utilisation de certains poêles d’appoint pénalisent davantage la qualité de l’air intérieur en dégradant le logement avec le développement de moisissures… Les effets sanitaires du froid sur les habitants peuvent occasionner des problèmes cardiovasculaires, respiratoires, allergiques, ostéo-articulaires, diabète, mais aussi neurologiques ou mentaux, et indirectement des accidents domestiques. Les enfants sont particulièrement sensibles à ce phénomène luttant contre le froid au détriment de leur croissance, de leur concentration et de leur motivation.
La ventilation des espaces est donc fondamentale pour la santé de l’homme, qu’elle soit physique ou mentale. Si elle est effective dans la majorité du bâti existant et neuf, les différentes études présentées ont dressé un tableau noir des débits d’air, avec des non-conformités pour certaines constructions, et ce, même dans des bâtiments exemplaires et performants, comme ceux suivis par le PREBAT. Olivier Sidler, ingénieur d’Enertech et de l’association Négawatt, indique que la ventilation naturelle, sous l’influence du tirage thermique naturel (dû à l’effet de cheminée) et de l’effet vent, ne permet pas un renouvellement d’air continu car cela dépend du vent, de la température et ne permet pas la récupération de chaleur. La ventilation hygro-réglable ne constitue plus une solution ; seule la ventilation double flux, en soufflant dans les pièces principales et en extrayant dans les pièces humides, permet d’être performant énergétiquement (en récupérant la chaleur sur l’air extrait) et de ventiler efficacement. Une ventilation efficace doit maintenir un taux de CO2 entre 1 300 à 1 000 ppm selon l’usage, limiter la teneur en formaldéhyde entre 10 et 50 µg/m3, éliminer le radon (entre 100 et 300 Bq/m3 et la vapeur d’eau pour éviter le développement de moisissures, présenter un taux de renouvellement d’air suffisant (18 à 27 m3/h.personne, contre un minimum de 0.6 vol/h en permanence sur les débits réglementaires).
La question des débits d’air reste donc entière. Tout d’abord en phase de conception où il faut raisonner avec un taux de ventilation par occupant et non par mètres carrés, en positionnant de manière optimale l’installation, les bouches d’entrée d’air (entrée et extraction jamais sur le même mur), en sur ventilant et en créant des sous-sols ventilés dans le cas de la présence de radon, en favorisant l’entretien futur comme le nettoyage des bouches, le changement des filtres... La règle d’or étant d’éviter l’inconfort chez les usagers, et par voie de conséquence les bouchages et colmatages des bouches supprimant toute ventilation, en mettant en place par exemple des boîtes décentralisées où l’air vient d’en bas et non plus d’en haut, soufflé sur la tête, mais aussi en prenant en compte l’acoustique des installations et notamment de la ventilation double flux dans les chambres. La phase chantier doit elle aussi faire l’objet de toutes les attentions : étanchéité à l’air des réseaux, isolation des réseaux, propreté du matériel installé - sans poussières et polluants à l’intérieur des gaines lors du stockage -, mais aussi choix des matériaux mis en œuvre et stockés sur le chantier (s’ils ont pris l’eau par exemple), détalonnage des portes... L’exploitation du bâtiment lors de son entretien (changement des filtres tous les 4 à 6 mois pour éviter l’encrassement voire le développement de moisissures, et la baisse des débits d’air entraînant une concentration de polluants…), entretien du matériel pour éviter les pannes (où la qualité de l’air se paie cher).
Les bonnes pratiques mises en œuvre pour la construction ne doivent pas occulter la prise en compte des usagers, comme l’a montré Marie-Christine Zélem. Le logement économe est devenu une boîte étanche avec une invasion technique où la gestion des énergies prime souvent sur les besoins, les compétences et les habitudes des habitants. Ils doivent désormais gérer leurs consommations, vivre avec l’environnement, changer leurs pratiques d’habiter, faire attention à la qualité de l’air… sans bien souvent avoir été sensibilisés ou accompagnés au préalable. Les habitants font avec et aménagent leur confort : ouvrant les fenêtres, bouchant les aérations, ajoutant des radiateurs, gérant mal les consignes, occupant l’espace différemment, modifiant les températures de consignes… Philippe Estingoy de l’AQC a souligné aussi la nécessité d’une réflexion d’ensemble et de la complexité d’intégrer les comportements des usagers. Aussi, pour qu’un bâtiment fonctionne bien, il faut, lorsque c’est possible, travailler avec les usagers afin que le bâtiment ne soit plus subi comme une invasion technique mais fasse corps avec lui.
L’ensemble des intervenants a souligné à quel point utilisateurs, sachant ou hommes de l’art restaient étrangers à la qualité de l’air intérieur, excepté ceux dont l’entourage présente des symptômes ou s’ils ont eu des difficultés de santé dans leur vécu. Il y a donc urgence à sensibiliser à la fois le grand public mais aussi tous les acteurs de la construction sur la qualité de l’air intérieur pour « une transition énergétique qui ne transige pas avec la santé ».
1. Organisé par l’Association Bâtiment santé plus et le réseau RISEB, sous l’égide de Suzanne Déoux, avec notamment le soutien de l’ADEME, il a réuni de nombreux intervenants, aussi bien des institutionnels (ADEME, Observatoire régional de la santé, PUCA, ATMO-France, PROMOTELEC services, CSTB,CETIAT, Conseil régional d’Ile de France), que des étudiants et enseignants-chercheurs (faculté de Médecine de Nantes, faculté d’ingénierie de Porto, Université Toulouse II, CEREMA, école centrale de Nantes, Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg), des associatifs (AQC, CLCV29, Medieco), ou des bureaux d’études (Enertech, Gamba acoustique, ASDER), et promoteurs (Bouygues Immobilier, Groupe Rabot Dutilleul).
2. Parmi les ingrédients de ce cocktail invisible : acariens, aldéhydes (particules irritantes pour les voies aériennes), allergènes d'animaux domestiques ou insectes, amiante, champs électromagnétiques, composés organiques volatils (COV), endotoxines, fibres minérales artificielles, fumée de tabac environnementale, humidité, légionnelles, moisissures, monoxyde de carbone (CO), oxydes d'azote (NOx), ozone, particules, pesticides, plomb, radon. Parmi les ingrédients de ce cocktail invisible : acariens, aldéhydes (particules irritantes pour les voies aériennes), allergènes d'animaux domestiques ou insectes, amiante, champs électromagnétiques, composés organiques volatils (COV), endotoxines, fibres minérales artificielles, fumée de tabac environnementale, humidité, légionnelles, moisissures, monoxyde de carbone (CO), oxydes d'azote (NOx), ozone, particules, pesticides, plomb, radon.