Il y a le ciel, le soleil et la mer. Et puis il y a aussi les montagnes. Au Pays basque, c’est à Anglet – n’oubliez pas de faire sonner le « t » en bout de mot – que viennent se jeter, dans les hautes vagues de l’Atlantique, les contreforts des Pyrénées. Un rare morceau de nature, où vous trouverez, au pied de falaises escarpées, plages et landes, le tout en plein cœur de l’agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz – BAB pour les intimes. Les intimes, ce sont beaucoup de surfeurs qui, entre roches et flots, savourent par tous les temps cette portion de littoral aux forts rouleaux. Pour réaménager ce trait côtier, longtemps abandonné à l’asphalte et aux herbes folles, la municipalité d’Anglet a lancé en 2011 un concours remporté par l’agence Debarre Duplantiers Associés. « Toute la difficulté, explique l’architecte Martin Duplantier, a été d’y concilier poésie des usages et respect de l’environnement. Sur ce point de rencontre à la fois fragile et ultra-fréquenté, l’enjeu était en effet de contrôler le trafic sans forcément l’amoindrir, tout en protégeant l’endroit. »
Un rempart de voitures
Sur cette zone sensible, soumise à la loi Littoral, les concepteurs ont décidé de renforcer la ligne de rivage par un procédé plus doux que le mur. Pour consolider et non affaiblir, un garde-fou surprenant : l’automobile. « Souvent, le meilleur rempart contre la voiture reste en effet la voiture », constate Martin Duplantier. Ici, le visiteur est dissuadé d’accéder au site avec son véhicule grâce à un ruban de places de parking disposées en continu à l’arrière d’une grosse résidence hôtelière, ce qui annule toute possibilité de stationnement sauvage au plus près du sable. À mi-chemin entre mer et montagne, cette double identité sert de ligne directrice. « Il s’agit avant tout ici d’un lieu de convergence, analyse la paysagiste Anouk Debarre. Nous avons donc voulu retranscrire cette idée de rencontre entre deux milieux, dans tous les éléments de composition : sol, mobilier, plantations. » Sur le terrain, la division du site est marquée par une partie haute (la falaise) qui s’oppose à la zone basse (la plage). Sur la crête, une vaste esplanade piétonne plantée en balcon sur l’Océan prend la place d’un ancien parking. Son porte-à-faux met en scène, sans le mettre en péril, ce promontoire exceptionnel sur la mer.
Au fil de l’eau
Pour arriver au sable, il faut ensuite emprunter une promenade, dite « des Sources », qui tisse des liens entre les hauteurs de l’aménagement et le rivage. Une « table d’eau », monolithe de pierre ruisselant, annonce ainsi une noue plantée qui nourrit la trame bleue de l’aménagement. Tout au long du parcours, c’est elle qui recueille et conduit les ruisselets circulant dans la porosité des roches, les empêchant de pénétrer dans les profondeurs de l’escarpement. Au fil de bassins creusés dans la pierre, le promeneur qui déambule est accompagné par le bruit de l’eau jusqu’à la côte, au plus près des vagues… Ce dispositif efface la pyramide monumentale de l’hôtel à l’architecture brutaliste, relique du tourisme de masse qui marque désormais sans délicatesse l’entrée d’Anglet. Anouk Debarre précise : « Nous avons tenté d’isoler du paysage cet énorme bâtiment en usant de plusieurs subterfuges, notamment un jeu de volumes qui gomment sa présence en s’élevant de part et d’autre de la résidence. »
À l’épreuve des tempêtes
Quatre figures détournent le regard du passant vers l’azur du front de mer : une longue pergola en bois et acier Corten borde désormais l’immeuble, promenade couverte ouverte sur l’océan, tandis que sur ses côtés, d’imposants blocs de pierre rappellent la falaise toute proche, « comme si ses flancs s’étaient, à cet endroit, délités », ajoute Anouk Debarre. Des blocs, qui, respect de l’environnement oblige, ont été récupérés dans un périmètre de 50 kilomètres… Beaucoup de roches, donc, mais aussi des arbres : tamaris blancs, pins parasols et pins des landes composent ici une palette végétale en accord avec l’environnement marin… et à l’épreuve des tempêtes, parfois extrêmement violentes sur ce coin de terre battue par les vents. Enfin, un peu plus loin, les vagues de bois d’un grand solarium ondulent vers les dunes en incitant au farniente… La rencontre, au soleil, de la forêt landaise et de l’Océan ?