Étrange randonnée que celle qui commence non pas au son des grillons, mais avec la mélodie entêtante d’une jungle sncf. Les 21 étapes de Caravan, déambulation métropolitaine initiée par le caue13, ont bel et bien débuté à la gare d’Aix-en-Provence TGV. La suite : la traversée de Vitrolles puis celle, les pieds dans l’eau, de l’A7 pour arriver à la station plm de Pas-des-Lanciers. Le point d’arrivée de cette première marche s’est transformé, deux semaines plus tard, en départ de l’étape numéro 2, et ainsi de suite, jusqu’à Marignane, Martigues et le retour au début de la boucle… un an plus tard.
Un vendredi sur deux, les architectes du caue ont entraîné avec eux maires des contrées traversées, habitants curieux et experts du territoire pour une journée de marche. Une promenade pas comme les autres dont le fil vert était le gr 2013, grand-huit dessiné à travers « l’hypervillage provençal » par Baptiste Lanaspèze, de la maison d’édition Wildproject. Conçu dans le cadre de Marseille-Provence 2013, ce tracé de 365 kilomètres a fédéré 38 communes, dont les différents acteurs ont accepté de venir chausser leurs baskets pour se rencontrer au fil du territoire. L’occasion de parler ensemble de l’état des paysages d’un Grand Marseille oscillant sans cesse entre ville et campagne : « Étrange, à la fois bucolique et blessé », s’exclame un promeneur ; « ailleurs au milieu de nulle part », précise un autre. Les qualificatifs et expressions concernant les panoramas n’ont pas manqué de fuser au cours de ces traversées. Au fil des saisons, plusieurs soirées publiques étaient d’ailleurs organisées dans les communes pour permettre à tous les habitants d'entendre et de voir le récit de cette exploration… avec une projection dans une caravane, pour reprendre l’intitulé nomade du concept. Car marcher favorise discussion, débat… et compréhension.
Redevenir touriste ?
Mettre un pied devant l’autre pour décrypter un site, la méthode n’est pas si étonnante qu’il n’y paraît. Comme l’explique Frédéric Gimmig, architecte-conseil au caue13 : « Dans l’urbanisme, un courant tend à penser que le territoire, il faut l’arpenter et le dessiner. Ce sont deux façons de bien le connaître. Seulement à partir de là, on peut commencer à le problématiser. “ Arpentage ”, ce mot de géomètre, signifie prendre la mesure d’un terrain avec son corps, ensuite vient le dessin, manière peut-être plus intellectuelle de comprendre un lieu, mais qui est aussi une façon de réintroduire le corps par la main, à la rencontre d’un terrain. » Se promener pour mieux découvrir donc, mais aussi communiquer. Les maires des communes traversées étaient ainsi invités à se serrer la main à l’endroit même des limites administratives, car « le gr 2013, rappelle Baptiste Lanaspèze, est aussi un projet de « débalkanisation », où l’on repère les frontières et où on les passe ensemble… » Lorsque les lignes administratives qui morcellent les espaces tombent et que les autoroutes se contournent à pied, des étangs se révèlent soudain et des ruines abandonnées à la friche apparaissent au détour d’un cordon dunaire. Cette aventure relative est riche d’enseignements. Aux habitués de l’endroit, elle redonne, le temps de quelques pas, un regard naïf sur l’endroit où ils vivent, et l’envie, peut-être, de redécouvrir ces localités quotidiennes souvent incomprises, tandis que les visiteurs de passage surprennent la richesse d’espaces périurbains souvent décriés et méconnus. Et si les randonneurs du vendredi ont aujourd’hui rangé leur sac à dos, reste un sentier sur lequel marcher ou… surfer. Grâce aux enregistrements captés par une fréquence locale, Radio Grenouille, cette expédition pédestre est en effet à découvrir en sons et en images sur www.caravan2013.org. Une marche à suivre… et à écouter !