Rédigé par Dominique Gauzin-Müller | Publié le 18/02/2014
Pendant deux décennies, des milliers de professionnels du bois sont allés découvrir les techniques innovantes et les finitions raffinées de l’architecture minimaliste du Vorarlberg. Longs trajets en bus et soirées conviviales ont tissé peu à peu des liens étroits entre maîtres d’ouvrages, architectes, ingénieurs, entrepreneurs et artisans, qui se connaissent souvent peu ou mal. Ces rapprochements se sont transformés dans certaines régions en une émulation constructive, qui a favorisé l’essor actuel de la filière.
L’esprit français au service du bois
Les fruits de cette culture commune étaient déjà sensibles lors du premier Prix national de la construction bois, organisé en 2012 par Atlanbois avec le soutien de France Bois Forêt. Le doublement du nombre des réalisations présentées cette année au jury, présidé par Christian Charignon, ne laisse plus de doute : le premier des matériaux renouvelables est sorti de la marginalité pour entrer dans le quotidien de nos compatriotes. Les 700 réalisations analysées montrent qu’il est présent dans toutes les régions et pour tous les types de programme. La valorisation des résultats a été judicieusement orchestrée : les lauréats¹ dans la catégorie habitat individuel ont été récompensés au Salon d’Angers, ceux des équipements publics durant le Salon des maires, les autres à Batimat. Le trophée ? Une lampe en chêne de nos forêts.
Si le bois est de plus en plus recherché pour la construction neuve, sa part de marché augmente aussi pour la réhabilitation et l’extension, où sa légèreté et sa capacité de préfabrication, donc de chantier rapide à faible nuisance, font merveille. Ce matériau familier, facile à travailler pour des amateurs encadrés, se prête également à des projets participatifs. Mais ce qui distingue le plus les réalisations primées de celles de nos voisins, c’est la créativité des formes et l’inventivité dans le traitement des surfaces intérieures et extérieures : bardeaux, lambris, panneaux, planches ou dosses, parfois en combinaison avec du chaume ou de la terre crue.
Construction en bois, source d’emplois
L’Hexagone a la chance d’avoir l’une des plus grandes forêts d’Europe, et surtout la plus diversifiée. En tirant parti des qualités spécifiques de chaque essence tout en trouvant une parade à ses limites, la nouvelle architecture de bois à la française valorise, désormais, en structure comme en bardage : douglas, pin noir, mélèze, pin maritime, épicéa, pin à crochet, mais aussi chêne, châtaigner, robinier, hêtre, peuplier… Un tel éventail n’est déployé dans aucun autre pays ! Crise écologique et économique oblige, une autre tendance émerge : le choix d’artisans locaux et d’une ressource issue de la région, voire de la commune du projet. Certaines réalisations servent aussi de support à la renaissance d’une filière ou de savoir-faire en voie d’extinction, porteurs d’emplois à haute valeur ajoutée non délocalisables.
Autrichiens en visite…
De leurs voyages chez nos voisins, nos professionnels ont su tirer l’essence de ce qu’ils ont découvert : circuits courts, étroite collaboration entre les acteurs, partage des connaissances, mise en commun des acquis de l’expérience, etc. Mais ils y ont apporté cet esprit français qui place aujourd’hui notre pays à la tête de l’architecture en bois contemporaine. Articles, conférences, voire exposition sur le sujet se multiplient d’ailleurs en Allemagne, en Suisse, au Québec… et même dans le Vorarlberg ! Quant aux architectes et charpentiers autrichiens qui ont participé en mai dernier à un voyage d’études en Bretagne et Pays de la Loire, ils ont été assez enthousiastes pour donner envie à d’autres groupes de venir à leur tour découvrir une certaine légèreté de l’être…
1. De nombreux projets lauréats ont déjà été présentés dans EK.
Bâtiments publics et tertiaires : 1er prix, Bâtiment B à Nantes, architectes Barré-Lambot (EK 35) ; 2e prix, Siège de la communauté de communes du Massif du Vercors, architectes Composite architecture (EK 35). Logements collectifs : 2e prix, habitat social à Paris 20e, architectes KOZ (EK 34) ; 3e prix, La Canopée, architecte Patrick Arotcharen (EK 33).
Réhabilitation et rénovation thermique : 1er prix, Centre de formation des compagnons du devoir à Angers, Snap Architecture(voir p. 108-115). D’autres réalisations primées seront détaillées dans les prochains numéros.