Tendre, romantique… rose, une vallée de roses. De leur présence voluptueuse, au détour d'une allée du Parque Central, Kathryn Gustafson s'en étonnerait presque : « L' Espagne a une passion pour la couleur, s'exclame la paysagiste. Moi qui ne plante jamais de rosiers, ici, je n'aurais pu imaginer qu'il en soit autrement », explique-t-elle, avant d'ajouter : « Ce qui me rend heureuse, c'est lorsque j'entends des habitants dire combien ce parc ressemble à la ville de Valence. » À la fois exubérants et verdoyants, les 23 hectares du Parque Central, ainsi nommé en raison de sa situation, en plein cœur de la métropole ibérique, rendent hommage aussi bien aux vergers de la Huerta, la région agricole alentour, qu'à l'oasis luxuriante de l'Albufera, sa zone humide protégée. La deuxième partie de l'aménagement, plus bucolique qu'urbaine, n'est cependant pas encore sortie de terre, prolongation involontaire de l'histoire du lieu.
Avec lenteur
Longtemps, Valence a en effet été coupée en deux, l'ouest, quartier de Russafa, étant séparé de l'est, Malilla par un large champ de voies ferrées. Du nord au sud de l'Espagne, les trains filent à vive allure, tandis que les Valenciens se voient obligés d'emprunter un tunnel souterrain pour franchir les rails. Dans les années 80, la municipalité envisage d'enfouir les lignes à grande vitesse et de réaliser à la place un nouveau quartier, accolé à un parc. Mais l'opération, à la fois coûteuse et complexe, prend son temps. Il faut donc attendre 2012 pour que le projet trouve sa forme définitive, au terme d'une compétition internationale remportée par l'équipe de Gustafson Porter + Bowman. « Techniquement, enterrer des lignes est très compliqué, cela prend des années à planifier, analyse Kathryn Gustafson. Mais lorsque nous avons gagné le concours, la crise financière n'était pas encore passée par là. Aujourd'hui, 60 % du parc restent à construire, et, pour cela, la ville doit trouver des investisseurs : nous n'avons plus à qu'à croiser les doigts. »
Au contact avec l'eau
Plus que de lier à nouveau des quartiers séparés depuis près d'un siècle par la barrière ferroviaire, le parc a aussi pour but de doter Valence d'un espace vert central, qui remette les citadins en contact avec l'eau. En 1957, la crue dévastatrice du fleuve Turia conduit la ville à canaliser son cours : des jardins - les Jardins du Turia -prennent place, mais les Valenciens perdent l'accès à l'élément aquatique. À l'intérieur du Parque Central, c'est donc celui-ci qui joue le rôle de fil conducteur et guide le promeneur de l'entrée à la sortie du lieu. Kathryn Gustafson y oppose ce qu'elle appelle « l'eau culturelle » et « l'eau naturelle » : tandis que la première favorise les interactions, par l'entremise de canaux et de jets d'eau où les enfants peuvent jouent sans risque, la seconde abrite faune et flore, via des pièces d'eau végétalisées.
Changer de point de vue
Tout le concept du lieu repose sur cette dualité, la nature qu'il met en relation avec la culture. « La vraie écologie est un équilibre entre ces deux mondes, analyse la paysagiste. Quand on construit dans la ville, il faut les faire avancer tous les deux. » Ici, ils prennent vie par l'entremise d'une série de « bols », des déclivités inspirées par les céramiques locales. Six d'entre eux ont été mis en place, qui tous parlent de la Valence cultivée, agricole. « Auparavant, le terrain était plat. Nous nous sommes donc enfoncés ou élevés, 3 mètres plus bas, 8 mètres plus haut à certains endroits, grâce à un travail de nivellement. » Chaque bol se comporte comme une entité indépendante, dans lequel s'immerger ou surplomber les environs : « C'est une nouvelle découverte de l'espace : on change de point de vue car l'on est constamment en train de passer d'un niveau à un autre », analyse la conceptrice. Selon l'endroit, le promeneur fait donc l'expérience de larges panoramas ou de recoins plus intimes, du jardin romantique et sa roseraie au jardin d'enfants et ses jeux.
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FICHE TECHNIQUE
♦ Lieu : Valence, Espagne.
♦ Programme : aménagement du Parque Central
♦ Maîtrise d'ouvrage : Valencia Parque Central Alta Velocidad 2003 S. A.
♦ Maîtrise d'œuvre : Gustafson Porter + Bowman (designers) ; Borgos Pieper (architectes) ; Nova Ingeniería (management de projet) ; Grupotec (ingénieurs).
♦ Surface : 23 hectares (66 hectares au total).
♦ Coût : 73 millions d'euros HT.
♦ Calendrier : 2011, première phase ; 2018, deuxième et troisième phases en attente.