Propos de Valérie David, Directrice développement durable, Eiffage.
Qu’est-ce que pour vous une ville intelligente ?
La ville intelligente, selon moi, est à comprendre par sa racine latine inter legere, qui signifie « choisir entre ». Ville intelligente signifie pour moi ville connectée, sachant que la connexion est un moyen – pour savoir, comprendre, choisir – et non une fin en soi.
Ce qui me semble important en matière de ville durable, c’est davantage la prise en compte systémique de toutes les dimensions de la ville – écomobilités, énergies, constructions durables, nouveaux usages –, et dans ce cadre multiscalaire, les outils numériques (et donc les connexions) sont des moyens utiles et pratiques. La smart city représente donc un des volets de la ville durable.
J’ai pu visiter beaucoup de villes à l’international qui se ruinent pour s’offrir ce qualificatif de « smart » ou « connecté », sous forme de fonctionnalités numériques et de capteurs divers, avant même d’être dotées d’une alimentation en eau potable, d’une distribution d’électricité ou d’un ramassage des déchets performants…
En résumé, je dirais que la ville durable s’appuie sur trois piliers. D’abord la transition écologique, qui s’exprime dans le choix de solutions adaptées au territoire : bouquet énergétique renouvelable, gestion responsable de l’eau, valorisation des déchets, mais aussi prise en compte de nouvelles formes urbaines et de nouveaux services urbains en lien avec les mutations des modes de vie, de travail et de consommation. Vient ensuite la transition numérique, cette révolution « horizontale » à l’œuvre partout aujourd’hui, qui remet en question la verticalité traditionnelle des organisations humaines, qu’elles soient entreprises, administrations ou collectivités.Elle nous permet plus d’efficacité et de rapidité et, in fine, des marges d’économies financières. En même temps, on peut être perplexe devant la connexion permanente d’individus bombardés de données et qui y réagissent immédiatement (à juste titre ou pas), la circulation immédiate d’informations brutes, retraitées et revendues, la création d’ambiances pacifiées ou alarmantes. Tout cela nous échappe un peu, il faut le reconnaître. Le troisième pilier concerne la dynamique d’innovations. Celles-ci peuvent être techniques, technologiques, sociétales, sociales, culturelles, pédagogiques, etc. L’innovation est nécessairement plurielle et doit représenter un véritable apport en termes d’usages ou de bénéfices environnementaux, afin de ne pas faire d’innovation pour l’innovation, ce qui est un risque sournois et persistant…
Quels sont les grands projets portés par Eiffage pour faire la ville durable ?
Nous avons un beau projet d’écoquartier de 20 hectares à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) sur l’ancien site de Centrale, partie à Saclay (Essonne). Eiffage aménagement a été retenu en février 2017 à l’issue d’une consultation, et nous travaillons depuis main dans la main avec la commune de Châtenay-Malabry dans le cadre d’une Semop (société d’économie mixte à opération unique) créée pour développer ce projet.
Ce qui nous intéresse, c’est de codévelopper un « quartier trois S » : sobre, sûr et smart.
Sobre, dans le droit-fil de la transition écologique : part significative d’énergie renouvelable locale, gestion exemplaire des ressources naturelles et constructions bas carbone. Nous souhaitons travailler également sur la réduction de l’empreinte alimentaire, avec des solutions en circuit court qui favorisent l’emploi local et l’agroforesterie. Il sera sûr, au sens résilience, et notamment concernant l’adaptation aux conséquences du changement climatique, de type canicules ou pluies torrentielles. Le côté smart, quant à lui, concernera aussi bien le pilotage efficace de l’écoquartier que le bouquet de services proposés aux habitants.
Quels sont pour vous les domaines qui restent encore à développer ?
Nous avons à être plus créatifs concernant le vaste domaine des déchets, depuis l’efficacité de la collecte jusqu’à la valorisation, l’économie circulaire. Le civisme et l’invitation à mieux faire pourraient aussi aider, comme la redevance incitative déjà testée dans quelques villes.
Dans un tout autre registre, nous nous intéressons aussi à de nouvelles perspectives, comme la construction de la ville sur la ville, avec des solutions de surélévation d’édifices qui permettraient d’augmenter l’offre de logements tout en finançant la rénovation énergétique de bâtiments existants.
VIDÉO Smartseille : un éco-quartier sort de terre à Marseille ! ( source Eiffage Construction )
Interview parue dans Ecologik 56 : Villes intelligentes...et durables ? (dec-janv-fev 2017/2018)