Paluel : la Manche, ses falaises calcaires, ses bocages… sa centrale nucléaire. Mais qui dit petite municipalité, ne dit pas petites ambitions. En effet, loin d’user (et d’abuser) du foncier disponible – à l’opposé de nombreuses agglomérations françaises –, le bourg a choisi la voie d’un aménagement durable. Grâce à CoBe, ce bourg normand de cinq cents âmes a de quoi accueillir et attirer les nouveaux venus, tout en redynamisant la vie publique, avec dix-huit logements, un parc paysagé de 2 hectares, une maison commune de 840 mètres carrés, trois ateliers d’artistes et deux gîtes. L’agence d’architecture est même allée plus loin en choisissant d’occuper seulement la moitié de la parcelle proposée, créant ainsi une réserve de terres constructibles.
Chemin de croix
Sur le terrain rectangulaire alloué, au nord de la RD79, les architectes disposent deux axes perpendiculaires ménageant trois sous-espaces – habitations, équipements et parc public –qui fonctionnent ensemble, mais ont chacun leur autonomie. Entre eux, ne cherchez pas, vous ne trouverez pas les traditionnelles haies en buis rectilignes ! Car la gestion paysagère réfléchie passe notamment par une réinterprétation des bocages locaux et une gestion durable des eaux de pluie grâce à une série de noues, selon un système hydraulique géré par une éolienne agricole et un bassin de stockage. Outre la dimension écologique, ces dispositifs dessinés par l’agence Mutabilis créent différentes atmosphères : aquatique, organique, mais aussi artistique grâce au Nid des fées – mégastructures en osier réalisées par Stéphanie Buttier.
Architecture néonormande
En partie sud-ouest, dix-huit logis prennent place. Afin de conserver une hiérarchisation traditionnelle des voies de circulation, ils sont desservis par une chaussée principale – la rue Raoul Dufy, peintre de La Fée électricité1, référence ironique à la centrale nucléaire toute proche –, puis par des courées. Le folklore est ensuite quelque peu bousculé avec une réinterprétation contemporaine des chaumières locales organisées autour d’une cour abritée des caprices météorologiques de la côte d’Albâtre voisine. Les habituelles longères à colombages sont ici remplacées par un volume de plain-pied en L à ossature bois, avec les espaces de vie d’un côté et les pièces de nuit de l’autre. Toujours dans le détournement : du T2 au T4, ces foyers sont coiffés d’une toiture à deux pans réutilisant le chaume protecteur côté nord et le zinc au sud afin de capter un maximum de chaleur. Les panneaux solaires thermiques sont bien sûr installés sur cette pente.
Forum cauchois
Paluel compte bien attirer les foules (de futurs habitants et de visiteurs) avec son parc paysagé et surtout sa maison commune de 840 mètres carrés, prolongée par une halle couverte, deux gîtes et trois ateliers. Ces infrastructures devraient permettre de rassembler et d’organiser différents événements afin de lutter contre l’isolement des villageois et d’éviter que ce morceau de territoire se transforme en quartier pavillonnaire dortoir. Depuis la fin de l’année 2012, Paluel connaît donc un coup de neuf sans précédent avec une extension pensée sur le long terme. La recette du succès pour une bourgade qui sort des sentiers balisés.
1. Cette célèbre fresque peinte en 1937 par Raoul Dufy était une commande de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Ses 250 panneaux (pour une composition totale de 10 mètres de haut par 60 de large) racontent l’histoire de la fée Électricité. Elle est aujourd’hui exposée au musée national d’Art moderne de la ville de Paris.