Les Lyonnais la connaissent bien : de Charpennes à Gerland, la ligne B faisait courir ses rames sous le Rhône en neuf stations. Elle en compte désormais une dixième : en décembre 2013, le parcours métropolitain a gagné 1,8 kilomètre de voies qui ouvre l’agglomération vers le grand sud-ouest. Descente à Oullins, où un pôle multimodal conquiert les délaissés d’une friche industrielle. La station y fait figure d’avant-poste d’une urbanité en devenir. En 2007, le cabinet Arche gagne le concours de conception en proposant d’utiliser la couche de 2 mètres de terre sur laquelle prendra place l’aménagement pour lui donner son identité, celle d’une masse végétale à très forte densité. « Nous sommes partis de cette commande insolite, créer un vide dans un vide, analyse Michel Maurice, l’associé d’Arche responsable du projet, pour imaginer un îlot boisé très touffu, dans lequel les édicules d’entrée et de sortie viendraient s’enchâsser. » Aujourd’hui, un bosquet de 70 albizias au feuillage rougeoyant abrite quatre pavillons, postés aux points cardinaux. Ces parallélépipèdes élancés revêtus d’acier sont dotés d’un éclairage zénithal et d’une verrière frontale, dispositif qui permet au voyageur de laisser glisser son regard vers le jardin jusque dans la descente vers les quais. « Ce sont des constructions très simples, mais adaptées aux contraintes de l’endroit, qui verra bientôt passer 25 500 personnes par jour, explique Michel Maurice. Les matériaux sont appropriés à cet usage intensif : béton, ossature métallique et vêture en Inpaten, un métal autopatinable qui anticipe le vandalisme. Aussitôt taguées, les surfaces peuvent être poncées et retrouvent ensuite, grâce à leur corrosion forcée, une teinte terre de Sienne. » De la mezzanine marmoréenne et métallique située en dessous partent sept
escaliers conduisant aux quais.
Effet albedo
Une surprise attend 8 mètres plus bas les voyageurs : c’est dans un espace clair aux murs recouverts de 1 180 mètres carrés de marbre de Carrare qu’ils attendent leur rame. « Nous avons choisi ce matériau pour deux raisons : d’une part parce qu’à éclairage égal, il permet de nimber la station par la clarté issue de l’albedo – ce qui en fait l’endroit le plus illuminé de l’underground lyonnais –, d’autre part parce que sa surface polie réagit à la manière d’une vitre. En cas de tag, il suffit tout simplement de l’essuyer. » Une durabilité environnementale, mais aussi culturelle, puisque cette pierre, intemporelle et utilisée depuis l’Antiquité, ne devrait pas se démoder. Les luminaires ont été choisis dans le même ton un peu rétro : les suspensions en laiton, dessinées pour le métro de Vienne par l’architecte Otto Wagner, dégagent une lumière d’un autre siècle. Du granit anthracite au sol et des panneaux d’affichage colorés en émail, qui permettent aux voyageurs d’identifier le sens de leur trajet presque sans lecture, complètent un registre harmonieux aux finitions particulièrement soignées. Mais sous ces dehors luxueux, aucun dépassement de budget : « Les revêtements sont nobles, mais les techniques employées très simples, avec de grands formats qui se plient sans problème aux dimensions de ce mode de transport et permettent une mise en œuvre rapide », précise le maître d’œuvre. Si les usagers n’y font qu’un passage, il devrait rester mémorable : « On oublie souvent la filiation de ce moyen de transport avec la métropole, conclut Michel Maurice. Si la ville l’a fait naître, la problématique s’est aujourd’hui inversée : sans lui, pas de vie urbaine, alors autant tout faire pour qu’il soit agréable ! » La rengaine « métro, boulot, dodo », pourrait bien en prendre un coup.