La plupart des cimetières ont été créés « hors les murs » suite au décret pris par Napoléon en 1804 pour des mesures d'hygiène. L'urbanisation a aujourd'hui gagné un grand nombre d'entre eux. Au point que l'on se demande si ces espaces très fréquentés ne pourraient pas servir la nature en ville… La France compte actuellement plus de 40 000 cimetières pour une superficie cumulée représentant deux fois celle de la ville de Paris. Le plus célèbre, celui du Père Lachaise, inauguré en 1804, classé Monument historique depuis 1933, est devenu un site touristique incontournable (tout comme les autres cimetières parisiens). Il accueillerait plus de trois millions de visiteurs par an sur le plus grand espace planté intramuros (44 hectares). En 2016, les inventaires de la faune et de la flore sauvages menés par la Ville de Paris au Père Lachaise ont dénombré 532 espèces dont près de 4 000 arbres de 13 essences différentes.
Ce « jardin cimetière » est aujourd'hui référencé comme réservoir de biodiversité indispensable à la capitale.
En 2015, le classement du glyphosate comme « cancérogène probable » par l'OMS (Organisation mondiale de la santé) est repris dans la loi française relative à la transition énergétique (loi n° 2015-992 du 17 août er janvier 2017 l'usage des produits chimiques, pesticides, fongicides dans les espaces publics. Si les cimetières sont pour l'instant exemptés de cette interdiction, de nombreuses communes les gèrent déjà en « zéro phyto ». Le Guide de conception et gestion écologique des cimetières , édité par Natureparif (2015) indique que ce changement de pratique favorise une évolution des paysages avec une présence plus spontanée de la nature. Allant dans ce sens, des projets se développent sur les territoires pour créer des espaces de recueillement où le visiteur est relié à la nature. Le cimetière s'affirme et se donne à voir comme un ensemble « paysager » (la Baule), ou devient « naturel » (Niort). À cela s'ajoute des initiatives privées comme le parc cinéraire des Jardins de mémoire, dans le Morbihan, où les sépultures sont représentées par des arbres. Quand dans les parcs publics une pluralité d'activités cohabite, dans les cimetières l'enjeu réside le plus souvent dans l'amplification des usages existants. Et leur première fonction est le lieu de mémoire et de deuil qui doit être respecté. Si les qualités paysagère et architecturale favorisent une pratique touristique déjà existante, les nouveaux aménagements visent à dépasser une stricte organisation fonctionnelle pour offrir des espaces où le visiteur peut déambuler, s'arrêter, se poser… C'est dans ce sens que certaines initiatives voient le jour, comme celle de la SPL Le Voyage à Nantes, qui a choisi en 2017 l'artiste Gaëlle le Guillou pour investir le cimetière de la Bouteillerie. Pour La Promenade, une balade artistique et mémorielle, elle y a cultivé des tombes potagères et fruitières ; installé une table et des chaises pour aménager un coin pique-nique et imaginait y organiser une Fête des voisins, sous l'œil bienveillant du gardien.
Autant d'initiatives qui visent à faire du cimetière un nouvel espace de vie, alliant fonction de recueillement, espace vert et de biodiversité, pour davantage de nature en ville.
Article paru dans Ecologik 58 : Confort et économie, les vertus du bois
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