Vous mobilisez dans vos projets plusieurs méthodes constructives. Pourquoi avoir choisi ici une structure en bois/paille ?
Il est vrai que nous utilisons différents matériaux et méthodes constructives car, selon nous, chaque demande doit susciter des réponses différenciées, pas seulement en matière de forme ou d'expression, mais aussi en matière de matériaux. Nous optons souvent pour le bois parce qu'il y a beaucoup de programmes ou de contextes où ce dernier prend tout son sens. Il présente un avantage pour les équipements sportifs parce qu'il permet de franchir de grandes portées par de larges poutres qui peuvent rester apparentes, même pour protéger du feu, contrairement aux constructions métalliques, par exemple. Dans la ZAC du Bon Lait, à Lyon (69), de nombreux bâtiments sont en bois, ce choix s'est donc imposé naturellement. Allier le bois avec le béton reste une façon peu onéreuse d'assurer le contreventement de l'ensemble et de répondre à des demandes de subdivision coupe-feu de l'espace. Nous avons utilisé la paille pour l'isolation, parce que nous cherchions, comme à notre habitude, à pousser la virtuosité environnementale. La structure bois, par ses dimensions généreuses, permet admirablement de l'accueillir.
Dès les années 1990, vous avez construit dans le Vorarlberg, ce land autrichien reconnu pour avoir mis le développement durable au cœur de son projet politique avec une attention particulière à l'architecture. Y a-t-il un état d'esprit de conception et de construction propre à ce territoire, qui se retrouverait dans tous vos projets et dans celui-ci en particulier ?
L'architecture du Vorarlberg se veut rationnelle, pragmatique, très liée au site et au programme, s'appuyant sur des structures et des volumes simples et des solutions innovantes mais réalistes. Il est très important pour nous d'y avoir fait nos preuves pour devenir l'agence que nous sommes aujourd'hui. La plupart des architectes du Vorarlberg ont débuté leur activité en travaillant sur de très petits espaces. Quelle que soit la taille d'un projet, nous retrouvons des principes qui fonctionnent à plusieurs échelles. En « réinventant » les structures en bois voilà trente ou quarante ans, le Vorarlberg est devenu un haut lieu de l'architecture contemporaine en bois. Ses entreprises possèdent maintenant une expertise reconnue à l'échelle européenne et construisent partout en Europe. Cela explique sans doute que de plus en plus d'architectes français s'appuient sur ces principes et n'hésitent pas à venir dans le Vorarlberg pour étudier les bâtiments.
Vous construisez en France, mais aussi en Autriche, en Suisse et en Allemagne. Quel regard portez-vous sur la construction bois en France au regard de ce qui se passe ailleurs en Europe ?
La principale différence entre le Vorarlberg et les autres pays réside encore dans l'acceptation de ce matériau. Dans le Vorarlberg, la population est tellement habituée à ce type d'édifice qu'on y trouve une grande tolérance vis-à-vis des constructions en bois. Les élus ne se mettent pas en danger quand ils proposent ce genre de bâtiment, et il en va de même pour les propriétaires privés. C'est un peu différent dans le reste de l'Autriche ou en Allemagne, où il y a encore une grande résistance à la construction bois de la part de la population et des élus, avec des entreprises encore dominées par la construction traditionnelle… En France, où le bois est maintenant à la mode, les entreprises générales se dotent elles aussi d'un secteur bois. En Autriche, où le pourcentage de bois utilisé est plus important qu'en France, nous sommes obligés de nous fournir au Canada, en Finlande ou en Sibérie, en fonction des prix d'importation, car il est malheureusement moins cher de se fournir en bois à des milliers de kilomètres que sur place. La France est fière d'être en capacité d'utiliser son propre bois, mais elle ne le fait que sur très peu de projets. Il faudra bientôt des entreprises de taille beaucoup plus importantes dans l'Hexagone pour répondre à cette demande.
⇒ Entretien paru dans Ecologik 59 : Sport : l'écologie à portée de tous actuellement en kiosque
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