Sur ce vaste territoire, les infrastructures sont multiples et omniprésentes, dévorant parfois l'espace, mais conférant à ce site une indéniable identité visuelle. Le parti pris a d'emblée été de sublimer les réseaux plutôt que de les nier. Il n'était pas question en particulier de couvrir le périphérique mais plutôt de parvenir à l'apprivoiser pour rendre parfaitement habitables les sites mitoyens. L'idée de la forêt linéaire, développée avec les paysagistes de l'agence TER, offre des espaces verts praticables, des continuités biologiques, une gestion alternative des eaux et une mise en scène du territoire. La ZAC Claude Bernard réalisée en 2014 sur 14 hectares a posé les premiers jalons de cette forêt linéaire, qui devrait s'étendre dans les années à venir au nord, à l'est et à l'ouest.
Ce premier tronçon, d'une superficie de 11 520 m² et d'une longueur de 300 mètres, compte 12 800 plantes vivaces, près de 3 000 arbres, des plantes grimpantes et 2 000 arbustes. C'est un renversement qui s'opère.
Renaissance de la ceinture verte
Le Grand Paris n'aura atteint ses objectifs d'équilibre territorial que lorsque les barrières spatiales et administratives auront évolué. Améliorer les relations entre Paris, Saint-Denis, Aubervilliers et Pantin s'impose. Développer un nouvel espace public le long d'une infrastructure autoroutière qui s'est substituée à l'enceinte des fortifications dans les années 1970, c'est participer à de nouvelles relations entre Paris et sa première couronne. Envelopper le boulevard périphérique dans une forêt, c'est changer de regard sur un lieu qui marquait la rupture et concrétiser la renaissance de la ceinture verte et du rôle qu'elle doit jouer. Cet espace public devient support de nouvelles mobilités douces reliant la porte d'Aubervilliers au canal Saint-Denis.
Ce territoire marqué par les réseaux devient un morceau de métropole qui articule des parcours à toutes les échelles, toutes les vitesses, pour tous les usages.
Ce renforcement de l'accessibilité entre plusieurs villes est un moyen de fédérer différents acteurs autour d'une idée commune. La conception initiale de la forêt linéaire impliquait une reprise du talus et du mur de soutènement du boulevard périphérique pour élargir l'espace public. Pour des raisons de coûts, le profil existant de l'infrastructure a finalement été conservé.
Lutter contre le dérèglement climatique et la pollution
En développant un espace de pleine terre, accueillant des milieux riches et variés, la forêt linéaire favorise la biodiversité en ville. À l'intersection de deux infrastructures propices à l'établissement de corridors écologiques, le canal et le boulevard périphérique, une réserve écologique vient compléter le dispositif.
Préserver la biodiversité locale des espaces et leurs habitats est dès 2007 un des engagements pris par la Ville de Paris, dès 2007, avec le plan Climat.
La forêt linéaire est constituée d'une prairie arborée, d'une forêt et d'un taillis dense. Pour concilier l'enjeu écologique et la pratique sociale, une partie de cet espace paysager est ouverte au public en permanence, une autre en revanche est inaccessible, pour permettre l'ensemble des usages. Cette spécialisation des espaces permet d'accepter une nature plus spontanée.
Favoriser le lien social et la pédagogie
L'acceptation d'une nature moins agencée passe nécessairement par un travail avec les habitants. La réserve écologique a une visée pédagogique : elle permet d'observer la faune et la flore sur 8 500 m2 et de mieux comprendre les enjeux de la biodiversité. Pour expliquer la croissance de la forêt, des perches sont plantées au milieu des arbres dans le taillis dense et donnent des indications sur les différentes étapes. En dehors de cette scénographie pédagogique, la création de cet espace public permet de faire le lien entre les habitants pionniers d'un secteur dont l'image est marquée par son histoire industrielle et fonctionnelle, et les nouveaux arrivants. Le mobilier des bancs troncs d'arbres, celui du bord du canal, favorisent la rencontre et la mixité générationnelle.
La forêt linéaire est non seulement un espace de socialisation, mais également une stratégie pour protéger les habitants des nuisances du boulevard périphérique et donc rendre habitable ce site de l'ancien hôpital Claude Bernard.
La forêt linéaire de la ZAC Claude Bernard a été une belle aventure de co-conception avec les maîtres d'œuvre, la maîtrise d'ouvrage et les services de la ville pour réussir à concilier ces enjeux d'usages, d'accessibilité, de biodiversité et de fonctions climatiques. Espérons qu'elle ne reste pas un fragment mais soit prochainement développée plus largement, à l'échelle qu'elle mérite, pour jouer pleinement son rôle.
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