Ce ne sont pas des images percutantes. Un paysage d’herbes folles, avec en arrière-plan une mer calme. Un littoral sans rien d’exceptionnel, banal, si ce n’est des tas de décombres empilés dans le coin droit d’une photographie. Ces débris sont les seuls indices d’un désastre passé et dévastateur : le 11 mars 2011, un séisme, un tsunami et un accident nucléaire frappaient le Nord-Est du Japon. Si les images de ces contrées meurtries ont fait le tour de la planète, leur reconstruction, moins spectaculaire, s’est faite dans la discrétion – peut-être parce que l’effondrement d’une ville fait plus de bruit que les travaux d’un chantier, progressifs et lents. Trois ans après, où en sont-ils ? Publié par les Impressions nouvelles, L’architecture du jour d’après raconte le laborieux redressement de la province du Tôhoku. Son narrateur est un architecte : Toyô Itô, prix Pritzker 2013. Il était en réunion à Tokyo lorsque les premières secousses firent trembler ses bureaux, mais s’apprêtait à partir pour fêter les dix ans de la médiathèque de Sendaï. Cet édifice à l’épicentre du séisme avait été conçu par ses soins après le drame de Kobe, avec une attention toute particulière portée à la résistance contre les tremblements de terre. Cela n’aura pas suffi : si le bâtiment n’a été que partiellement endommagé, son plafond s’est effondré malgré toutes les précautions prises lors de sa conception. Cette proximité avec le drame a suscité une remise en question du concepteur, et sa décision de tout mettre en œuvre pour améliorer le quotidien des sinistrés.
Japon à deux vitesses
Comment construire après un cataclysme ? Ce livre tente de répondre à cette pesante interrogation. Étude concrète, réflexion sur le métier d’architecte, retour sur un parcours et une carrière, il mêle pensées et actions, avec en toile de fond un Japon à deux vitesses. Quand Tokyo, ville-machine, matérialise par ses gratte-ciel démesurés les flux invisibles des capitaux, les zones sinistrées se relèvent avec humilité, se reconstruisant sans démonstration d’ego, dans et avec la nature. Avec leur trentaine de mètres carrés et leur grande table ronde, les « Maisons pour tous » développées par Toyô Itô pour accueillir la population en sont emblématiques. En 2013, le documentaire sur celle de Rikuzentakata, modeste structure construite avec onze troncs de cèdres mourants, a gagné un Lion d’or à la Biennale de Venise. Les piliers d’une nouvelle façon de construire ?