Le groupe scolaire Louise Michel s’inscrit dans le réaménagement du fort d’Issy-les-Moulineaux. Au départ, c'était un projet comme les autres, avec un programme classique, une approche selon les quatorze cibles HQE et un petit privilège accordé au bois, que les collectivités aiment introduire depuis quelques années dans leurs attentes de qualité environnementale. C’est pour leurs solutions fonctionnelles sur un terrain très exigu et l'esthétique architecturale de leur proposition que Sonia Cortesse et Bernard Dufournet ont remporté le concours en 2007. Les mesures écologiques proposées étaient une surprise pour le maître d'ouvrage, la Société d’économie mixte d’Arc de Seine, qui les a toutefois accueillies avec bienveillance tant que le respect des réglementations était assuré ou que des avis techniques faisaient foi pour les assureurs.
Une école « sans béton »
Le programme est complexe : une école élémentaire en r+2, dont la cour de récréation se situe sur le toit de la maternelle en rez-de-chaussée, qui dispose d’un jardin, d’une douve et d’un cours d'eau pour une pédagogie accompagnée ; un boulodrome sous une halle et un espace de jeu extérieur. Dès l’esquisse, l’architecte Sonia Cortesse, pionnière du développement durable à la française, a plusieurs réflexes : « Un outil pédagogique agréable, un bâtiment sain, une structure en bois, des matériaux écologiques. » Le résultat est fidèle à ces principes et l’immeuble est « sans béton » mis à part les dalles de fondation et la couverture de la maternelle, qui est en bois-béton collaborant sur bac acier, avec un garde-corps en acier. La structure poteaux-poutres en lamellé-collé supporte des planchers en panneaux de bois massif contrecollé KLH. Toitures et façades, qui participent au système porteur, sont constituées de caissons en bois dont les cavités sont remplies de paille. L'opportunité de créer une référence utilisant ce matériau dans un projet public d’envergure s'est vite imposée. Ce produit connexe de l’agriculture se renouvelle annuellement, est disponible partout et affiche, outre ses qualités isolantes, un bon bilan carbone. Ses techniques d'application sont encore peu répandues et la maîtrise en préfabrication n’existait pas encore à cette échelle. Son emploi dans un mur en bois se heurte encore souvent à des réticences, surtout en ce qui concerne la résistance au feu et le comportement hygrométrique.
Construire en bois et paille
En 2007, l'utilisation de la paille dans un établissement scolaire était une première pour laquelle la viabilité restait à établir, notamment la sécurité incendie. En l'absence de référentiel réglementaire, le bureau de contrôle attaché au projet, SOCOPA, a demandé que le CSTB soit consulté pour avis. Chercher des solutions reproductibles en préfabrication demandait un certain délai. Or le temps, généralement trop court pour la conception d'un projet, était ici disponible ! Le groupe scolaire et le boulodrome s'inscrivent en effet dans la restructuration du fort d'Issy, qui compte quelque 1 200 logements. À l'époque du concours, les transactions immobilières n'étaient pas terminées et le terrain, ancien site militaire et cible de bombardements en 1870, devait être dépollué. L’équipe a profité des dix-huit mois ainsi dégagés pour réaliser, notamment, l'essai au feu. Une laborieuse procédure d'Appréciation technique d'expérimentation (ATEx) a également été engagée pour faire admettre le principe de composition de façade à structure bois communément appelée « paroi perspirante ». La juxtaposition « panneau dérivé du bois + montant d’ossature + isolant en paille + panneau dérivé du bois » constitue une suite de matériaux facilitant la migration et l'évacuation de la vapeur d'eau vers l'extérieur, au lieu d'enfermer l'humidité derrière le pare-vapeur prévu dans les DTU. Encore peu reconnue en France, cette pratique est essentielle dans les murs à base de matières biogènes : en situation d'humidité cumulée et stagnante, ils seraient fragilisés, ce qui pourrait être néfaste à terme pour l’immeuble. Le système proposé ici a fait l’objet d’une simulation avec Wufi, logiciel d'appréciation du comportement hygrométrique des constructions.
Et l’énergie ?
L'étanchéité à l'air répond aux exigences du standard maison passive. Le niveau énergétique de l'époque, BBC, est amélioré de 20 % et les performances du groupe scolaire (8 kWhep/m2.an pour le chauffage) sont bien en deçà de la valeur imposée par la RT 2005 en vigueur au moment du concours. Ces excellents résultats s’expliquent notamment par l’isolation très conséquente et par une maîtrise détaillée des ponts thermiques. Les fenêtres sont à triple vitrage dans des cadres en mélèze. Une ventilation double-flux performante tempère l’air neuf. Le besoin résiduel, très faible, est couvert par le plancher chauffant du rez-de-chaussée, relié à un réseau local sur pompe à chaleur alimentée par de l’eau à 27 °C puisée à 600 mètres de profondeur. Une volonté du maître d'ouvrage inscrite au programme.
Confort assuré
Le souhait de favoriser la lumière naturelle rencontre des réglementations imposant en milieu scolaire un coupe-feu entre la circulation et les classes. Ces parois ont donc été réalisées en vitrage spécial, dont le coût est élevé. À l’étage supérieur, l'inclinaison de la toiture augmente la surface vitrée des salles. Pour la maternelle en rez-de-chaussée, des puits de lumière qui débouchent sur la toiture servant de cour de récréation assurent un complément d’éclairage naturel. Sur cet équipement livré en septembre 2013, la régie est en train de finaliser les réglages pour la ventilation et la lumière. Le processus est toujours plus long que prévu, mais le confort est au rendez-vous. Deux procédures d'Appréciation technique d'expérimentation ont été engagées pour ce projet : l'une a validé le principe de "paroi perspirante" ; l'autre, qui concerne une construction légère en bois avec une étanchéité béton pour le toit-terrasse/cour de récréation, a été abandonné suite à la résistance que la démarche a suscitée. Malgré ce parcours semé d’embûches Sonia Cortesse se réjouit : « Le bâtiment apporte beaucoup de solutions inhabituelles pour un résultat très agréable à vivre. »