« Pearl Arbor ? » Non, pas l’attaque surprise d’une base navale américaine, mais un arbre… avec des branches en bataille. Cette espèce aussi rare que belliqueuse pousse dans Forêt-wood, livre à feuilleter et bosquet où se perdre. L’ouvrage est un bel hommage à la forêt : « il lui rend tout ce que nous lui avons pris en papier », expliquent ses auteurs Olivier Douzou* et José Parrondo. Sur chacune des pages, un arbre, avec nom latin et nom commun. Commun, pas vraiment, puisque les deux illustrateurs les ont tous inventés, transformant l’album en un arboretum inclassable où les jeux de mots font feu de tout bois. Un détournement en règle des codes de la botanique : le bien connu pin parasol, palavas estivala inclinabila, pousse donc non loin d’une espèce plus confidentielle, hilarius, saule rieur ou consolé, tandis que l‘arbre de chevet, arbor tabula lux, déploie devant le lecteur sa cime en abat-jour et son tronc articulé. D’ikeanordicus, l’arbre à monter tout seul, à sylva vartanus, l’arbre yéyé, les styles et les sens s’enchevêtrent avec humour et poésie. Des feuillages imaginaires qui devraient réjouir leurs homologues à chlorophylle et lignine : si le respect de la nature commence dans les feuilles des livres d’enfant, petits et grands ne sont pas prêts de se lasser de celles, vertes, des hêtres et chênes véritables.
Olivier Douzou, José Parrondo, Forêt-wood, Editions du Rouergue, 2013, 128 pages, 17 euros
Charlotte Fauve : Comment avez-vous créé Forêt-wood ?
Olivier Douzou : Ce livre est parti d’un échange de courriers avec José Parrondo. Nous nous sommes envoyés quelques centaines de lettres, qui contenaient chacune un arbre impossible. Nous en avons ensuite sélectionné la moitié. Plusieurs techniques sont volontairement utilisées : crayon, encre, rotring, peinture à l’huile. Un peu comme dans une forêt, on ne sait jamais sur quoi on va tomber…
C.F. : Quel est le message de ce livre ?
O.D. : Il est à la fois humoristique et poétique, et joue sur l’écart entre le vrai et l’imaginaire. Cet angle permet aux enfants – et aux grands ! – de voir la réalité autrement, de l’apprécier par un biais différent, et donc d’y être plus attentif.
C.F. : Y-aura-t-il une suite à Forêt-wood ?
O.D. : Non, c’est un livre unique. Ses prolongements se trouvent sur Internet. Sur le blog foretwood.tumblr.com, chacun peut envoyer son arbre, et une exposition tourne sur toute la France. L’idée, c’est de créer la plus grande forêt virtuelle du monde. Les arbres ont toujours fait rêver les enfants, et je pense que chacun aurait envie d’en avoir un bien à lui…
Architecte de formation, Olivier Douzou est auteur-illustrateur, et dirige la collection Jeunesse des Editions du Rouergue. Entretien.