Le premier projet d'aménagement de la ceinture verte fut le plan de Louis Bonnier, voté en 1924, qui prévoyait 24 stades et 180 hectares de jardins, avec l'objectif de créer une suture entre Paris et la banlieue. Ayant du mal à exister face aux différentes pressions immobilières qui se succèdent, il faut attendre les années 2000 pour que la Ville de Paris s'engage à revaloriser cette ceinture verte pour l'inscrire dans des continuités écologiques régionales.
L'enjeu est compliqué - avec la proximité du boulevard Périphérique, celui des Maréchaux et toute la pollution que ces infrastructures apportent -, mais l'objectif est de marquer le territoire avec plus de nature, plus de porosité, plus d'usages.
Les architectes de l'agence KOZ se sont inscrits dans cette réflexion, et ont conçu le centre sportif Suchet dans un périmètre élargi pour fabriquer un lieu partagé intergénérationnel entre riverains et sportifs. Un environnement paysager qualitatif : un grand mail planté à l'intérieur de la parcelle, accompagné d'une noue récupérant les eaux pluviales qui annonce une continuité avec le bois de Boulogne.
Dissimulation affichée
Le gymnase est décrit par les concepteurs comme un « grand vaisseau mystérieux et compact ». Il est vrai qu'il faut être attentif lorsque l'on passe sur l'avenue pour le remarquer. Les architectes ont joué la dissimulation et ont fait disparaître l'équipement par des jeux d'encaissements des volumes. Depuis la rue, on ne voit qu'un long bâtiment bas, surmonté d'une toiture végétalisée qui se noie dans la masse des espaces plantés. L'équipe n'a pas respecté les principes d'implantation envisagés par la Ville, à savoir l'installation du bâtiment en équerre à l'arrière de la parcelle, et a décidé de créer l'alignement urbain, sentant une légitimité à bâtir sur la rue. Elle est aussi allée à l'encontre des équipements sportifs souvent imposants, créant des ruptures d'échelle pour ici s'enterrer.
Selon les architectes, plusieurs avantages se dégagent : une bonne accessibilité, un bâtiment de plain-pied, et surtout une possibilité de travailler sur « l'effet spectacle » pour réinterroger les dimensions et le statut des espaces.
L'agence KOZ s'offre la possibilité de bousculer les acquis. Pourquoi les circulations seraient des couloirs étroits et les espaces toujours séparés ? Ici, au contraire, les circulations sont généreuses, sous forme de passerelles. En balcon, elles surplombent les terrains de sport : chacun peut devenir acteur ou spectateur, la plupart des espaces sont reliés visuellement et le mur d'escalade - qui devait être relégué en bout de bâtiment -, se situe au cœur du projet et devient « un élan vertical » spectaculaire, le seul volume qui émerge.
Rigueur constructive
Outre le mur d'escalade, le centre sportif Suchet se compose d'un gymnase pour la pratique de sports collectifs (handball, volley-ball, basket-ball), de deux salles de sport (danse, arts martiaux). Une salle de sport en structure légère permet également la pratique du basket et du tennis. Le centre fabrique une bonne dynamique en étant ouvert sur de larges créneaux horaires (de 8 à 21 heures), et à de multiples associations, clubs et établissements scolaires. L'organisation spatiale repose sur une rigueur constructive. Chaque détail est traité et les assemblages millimétrés pour sublimer les qualités premières nécessaires à la pratique sportive : rigueur, précision, contrôle. Cela se ressent dès l'entrée dans le jardin : les circulations sont droites, évidentes ; à l'intérieur, l'espace est structuré, les réseaux visibles par de grands conduits qui filent aux plafonds ou par des chemins de câbles au-dessus des passerelles. Ceci répond à une économie de projet, mais participe aussi à une vision précise et globale d'un lieu. Et s'accompagne aussi d'un jeu de signalisations gravées dans le bois, rappelant les parcours de randonnées.
Premier centre sportif parisien 100 % bois
Depuis 2005, l'agence KOZ réalise 80 % de ses projets en bois. Le gymnase ne déroge pas à cette règle, et la proximité du bois de Boulogne rend l'usage de ce matériau évident. À l'exception des murs de soutènement enterrés, l'ensemble du bâtiment est en bois, mêlant les techniques de panneaux de bois massif, de caissons à ossature ou de poteaux-poutres, selon qu'il s'agisse de grandes portées, du degré de résistance au feu ou de la nature des activités. Les façades sont soit vitrées, soit en bardage bois, et sont enveloppées dans une résille en mélèze qui filtre la lumière et les regards extérieurs. Les sur-toitures en lames de mélèze sont dimensionnées pour réduire les apports solaires en été et garantir un maximum de lumière naturelle. L'inertie thermique due au décaissé permet de lutter contre la surchauffe estivale et d'atténuer les nuisances acoustiques vers l'extérieur.
Pour les architectes, la livraison du chantier ne signifie pas la fin d'un projet, mais une ouverture sur d'autres possibles. La vie du centre sportif Suchet ne fait que commencer, pour devenir un véritable équipement de quartier.
⇒ Article paru dans Ecologik 59 : Sport : l'écologie à portée de tous
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FICHE TECHNIQUE
♦ Localisation : 25, avenue du maréchal-Franchet-d'Esperey, 75016 Paris.
♦ Programme : Centre sportif Suchet.
♦ Maîtrise d'ouvrage : Ville de Paris.
♦ Maîtrise d'œuvre : KOZ Architectes, Christophe Ouhayoun, Nicolas Ziesel, Cécile Gayraud ; Charpentier : Mathis ; Entreprise générale : Baudin Chateauneuf.
♦ Bureaux d'études : Structure : EVP Ingénierie ; Thermique : Delta Fluides.
♦ Surface : 5 107 m2, dont 3 545 m2 construits.
♦ Calendrier : 2014-2016.
♦ Coût : 7,9 millions euros.
♦ Système constructif et matériaux : bois massif CLT, ossature bois en mélèze, menuiserie extérieure en épicéa, menuiserie intérieure en érable. Isolation intérieure : laine de roche 250 mm. Isolation extérieure : polystyrène 250 mm.
♦ Performance énergétique : 97,8 kWh/m²/an, énergie primaire. Eau chaude sanitaire solaire, récupération de l'eau de pluie, toitures végétalisées. Développement durable : PLAN 02.