L'histoire commence avec l'élaboration de l'Agenda 21 de la Ville de Niort (Deux-Sèvres). L'arrêt de l'utilisation des produits phytosanitaires est une opportunité pour penser les cimetières sous l'angle du développement durable. Le projet de « cimetière naturel » émergera progressivement à partir de 2011 et sera inauguré en 2014. Comme l'explique Ève-Marie Ferrer, de la direction des Espaces publics de la Ville de Niort, en charge de la conception du projet : « Un cimetière paysagé n'était pas suffisamment ambitieux pour la ville, car les sépultures y restent le plus souvent classiques. Nous souhaitions aller plus loin, et nous nous sommes inspirés de ce qui existe en Angleterre et en Allemagne ».
CERCUEIL ET URNES BIODÉGRADABLES
La démarche repense alors toutes les étapes consécutives au décès afin de réduire l'empreinte écologique et faire baisser le coût des funérailles. L'objectif est ainsi de favoriser le retour à la terre des défunts. Une charte d'engagement des familles explique les différentes modalités. Le corps ne reçoit pas de soins de conservation et repose dans un cercueil ou une urne biodégradable. Un espace de dispersion des cendres est disponible, où l'inhumation se fait en pleine terre, sans cuve bétonnée, avec pour stèle une pierre calcaire discrète qui marque l'emplacement des cendres du défunt.
Le cimetière naturel, conçu en régie sur un site restauré avec le réemploi comme principe d'aménagement, est réalisé sur une parcelle de 4 000 m² voisine du cimetière existant servant alors de carrière d'où étaient extraites des pierres tombales calcaires. Abandonnée, elle est devenue une friche inutilisable qui depuis a pu être mise à disposition pour le cimetière naturel. La réussite de l'expérience a conduit la commune a acheté un terrain déjà arboré de 5 000 m² dans le prolongement du cimetière naturel qui servira d'extension si les besoins augmentent. Le processus de conception a aussi été singulier car « les élus ont donné carte blanche aux services pour proposer un projet », rappelle Ève-Marie Ferrer.
« Nous avons eu la chance de prendre le temps de la réflexion, de faire des expérimentations avant de nous lancer ».
Ainsi, l'aménagement se limite à la valorisation des arbres dans une prairie avec des allées enherbées. Le mobilier, comme les bancs, les clôtures et les points d'eaux sont réalisés en matériaux naturels, récupérés et recyclés grâce à la mobilisation des agents municipaux. Par ailleurs, la palette végétale est uniquement composée d'essences locales avec des plantes prélevées dans les friches municipales pour éviter le recours à des pépinières et réduire encore le coût total. L'art est également présent avec des sculptures qui sont l'œuvre des agents municipaux, comme l'arbre des printemps aux branches métalliques et aux feuilles en laiton gravées au nom des défunts.
UN RÉSERVOIR DE BIODIVERSITÉ
Alors que la ville de Niort a obtenu le titre de Capitale française 2013 de la biodiversité décerné par l'association Natureparif, le cimetière naturel est désormais identifié comme réservoir de biodiversité et a été labellisé Refuge LPO (Ligue de protection des oiseaux). Si des nichoirs et un hôtel à insectes ont déjà été installés en concertation avec des associations de protection de l'environnement, des aménagements complémentaires pourraient être réalisés, comme une mare, une spirale de plantes aromatiques et des panneaux pédagogiques. La labellisation de l'éco-gestion du site (Ecocert / Ecojardin) est en cours, et deux cimetières ont été enherbés en 2017 dans l'objectif d'étendre la démarche aux 36 cimetières que compte la commune de 60 000 habitants. Cette qualité séduit les visiteurs, « beaucoup de gens s'y promènent par plaisir, certains y pique-niquent même », indique Ève-Marie Ferrer. « Nous acceptons des demandes d'associations de photographes pour y organiser des expositions. » Les mots du paysagiste Gilles Clément inscrits à l'entrée donnent le ton aux visiteurs et affirment l'ambition du lieu :
« Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l'éternité. »
⇒ Lire l'article « Les cimetières, vers une mixité d'usages ? »
⇒ Lire « Cimetière paysager métropolitain à Montpellier »
FICHE TECHNIQUE
♦ Maître d'ouvrage : Ville de Niort, Dominique Bodin (conservateur des cimetières) service des Cimetières (direction de la règlementation).
♦ Maître d'œuvre : services techniques de la Ville de Niort.
♦ Conception : Ève-Marie Ferrer (chargée d'opération), bureau d'études Paysage urbain (direction des Espaces publics).
♦ Éléments artistiques : collaboration entre Karl Gilbert (plasticien / assistant études et travaux), bureau d'études Paysage urbain (direction des Espaces publics) et les ateliers de serrurerie de la régie voirie.
♦ Réalisation : régies des Cimetières, voirie et bâtiments.
♦ Dimensions : parcelle boisée de 4 014 m² + 5 000 m² d'extension possible.
♦ Coût : 166 200 € HT, dont 53 850 € HT pour le seul cimetière naturel.
♦ Dates : livraison en 2014, trois ans d'étude, dont deux ans de travaux.
POUR ALLER PLUS LOIN
www.vivre-a-niort.com