Une ville fluviale entre terre et mer, un riche patrimoine architectural du XVIIIe siècle classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, un vignoble de renommée internationale… autant d’atouts qui participent depuis toujours à l’attractivité de Bordeaux. Mais pour continuer à s’épanouir et mieux se tourner vers l’avenir, la Perle d’Aquitaine nécessitait un important remaniement urbain. Dès 1996, Alain Juppé, maire et premier vice-président de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB), lance un vaste projet urbain destiné à mettre en place un cadre de vie d’exception pour les habitants. Il veut ainsi remédier aux problèmes existants : un centre historique trop figé, une absence de connexions entre nord et sud, un profond déséquilibre entre les rives gauche et droite, etc. L’arrivée du tramway et la reconquête des quais ont amorcé un chantier de grande ampleur qui se poursuit encore aujourd’hui. La ville ne cesse de séduire et gagne de plus en plus de nouveaux arrivants : à l’horizon 2030, elle pourra recevoir 100 000 résidents supplémentaires. Construction et rénovation de quartiers sont au cœur d’une politique d’aménagementqui met l’accent sur le développement durable, notamment à travers la conception d’écoquartiers et d’espaces verts. La métropole va enfin s’étendre sur l’ensemble de son territoire en s’appuyant sur des projets ambitieux et structurants, qui ont été discutés et dessinés grâce à une concertation poussée avec les Bordelais.
Le nord se réveille
Installée depuis 2 000 ans sur une seule berge, Bordeaux va enfin investir et rendre plus accessible sa rive droite grâce à deux nouveaux ponts : Jacques Chaban-Delmas, inauguré en mars 2013, et Jean-Jacques Bosc, dont la livraison est prévue en 2016. Situé au nord de la ville, le premier relie le futur quartier des Bassins à flot au site de Brazza. « Ce projet était une nécessité à plus d’un titre. Il fallait alléger la circulation sur les autres ponts, permettre le bouclage des boulevards périphériques et surtout établir un lien direct entre deux secteurs en devenir », explique Alain Juppé lors d’un discours prononcé en février 2013. Cet ouvrage élégant aux lignes épurées est le fruit du travail d’une équipe de conception / réalisation menée par les architectes Charles et Thomas Lavigne, l’ingénieur Michel Virlogeux, et les entreprises Vinci GTM et Egis. L’attention accordée aux circulations douces, totalement séparées des voies réservées aux véhicules, a largement séduit la CUB, maître d’ouvrage du projet. Au débouché du pont, côté rive gauche, le nouveau quartier des Bassins à flot constitue l’un des symboles du renouveau qui s’opère dans le nord de Bordeaux. Autrefois délaissé, ce secteur est désormais en continuité directe avec le centre-ville, notamment grâce à l’arrivée du tramway et la rénovation des berges. Situé dans le prolongement du quai des Chartrons, l’ancien port maritime et industriel fait l’objet d’une réhabilitation votée en 2010. Près de 700 000 mètres carrés sont actuellement réaménagés en vue d’accueillir 10 000 habitants. Confié à l’urbaniste Nicolas Michelin (ANMA), le futur quartier mixe habilement logements, bureaux et équipements dont l’ambitieuse Cité des civilisations du vin, dessinée par l’agence d’architecture X-TU, qui ouvrira ses portes en 2016.
Ginko, premier écoquartier bordelais
Non loin des bassins, à proximité du Lac, les bâtiments du nouvel écoquartier Ginko commencent à pointer le bout de leur nez. Laissé à l’état de friche pendant près de quarante ans, ce territoire voisin des grands ensembles des Aubiers ne jouissait pas d’une bonne réputation auprès des Bordelais. Lancée en 2006 par la CUB et la municipalité, la réalisation de Ginko est confiée à Bouygues Immobilier qui choisit Christian Devillers et l’agence Brochet-Lajus-Pueyo comme architectes-urbanistes coordinateurs du projet. Objectif de départ : concevoir une opération d’aménagement durable exemplaire, pouvant accueillir 6 000 habitants et conciliant respect de l’environnement et cadre de vie d’exception. Véritable ville-jardin de 32 hectares, le quartier, traversé par une allée verte et des canaux, est bordé au sud par le parc Denis et Eugène Bühler dessiné par l’agence de paysage Signes Ouest. Ouvert à l’été 2013, ce havre de paix végétal a pour mission de fédérer les habitants et de devenir un lieu emblématique du secteur. Organisé en plusieurs îlots, Ginko a le mérite d’incarner différentes mixités : d’abord fonctionnelle en mêlant logements, commerces, bureaux, équipements et service, mais aussi sociale avec près de 35 % de logements à loyer modéré et des aides mises en place pour un accès à la propriété. Le mélange est aussi générationnel, notamment grâce à la présence de groupes scolaires et d’un ehpad, et enfin morphologique, à travers la juxtaposition de différentes typologies de logements allant du collectif à l’individuel en passant par l’intermédiaire. Aucun bâtiment ne ressemble à un autre, et pour cause : onze concours d’architecture ont été organisés pour la conception des îlots, permettant une véritable diversité dans les hauteurs, les formes et les matériaux proposés. Lauréat en 2009 du concours EcoQuartier ainsi que du Prix de la sobriété énergétique et des énergies renouvelables, Ginko favorise au maximum les circuits courts. Tous les bâtiments répondent à un exigeant cahier des charges environnemental : isolation par l’extérieur, protections solaires, double vitrage performant, réseau de chaleur assuré par une chaufferie collective à la biomasse. 90 % des logements sont labellisés BBC et 10 % THPE. L’arrivée du tramway en janvier 2014 complétera les atouts de ce nouveau quartier, dont le chantier devrait se terminer vers 2017.
Le centre se transforme
Le grand projet urbain de Bordeaux ne se limite pas à la création de nouveaux territoires, mais intègre également la revitalisation du cœur historique. Malgré un riche potentiel patrimonial, de nombreux secteurs de la ville ancienne ne sont pas mis en valeur ou se sont dégradés au fil du temps : bâtiments trop énergivores, rues saturées de voitures, appartements insalubres, etc. La mairie a donc lancé en 2010 l’opération [Re]Centres, menée par l’agence Nicolas Michelin & Associés (ANMA) avec deux jeunes équipes d’architectes bordelais : Pepitomicorazon et AVA. Ce projet visant à améliorer les conditions de vie en centre-ville souhaite redonner sa place à la nature, maintenir une diversité sociale, améliorer la qualité des logements et des services… Afin de mener au mieux cette ambitieuse opération, résidents, urbanistes, élus locaux et associations réfléchissent ensemble au réaménagement lors de concertations ouvertes à tous. Dans le but de définir les dix secteurs sur lesquels intervenir en priorité, les différents quartiers ont fait l’objet au préalable d’une étude minutieuse du patrimoine afin de découvrir des « pépites », lieux exceptionnels souvent méconnus des Bordelais.
Avec ce vaste projet d’urbanisation globale, la capitale girondine prend en compte les aspirations de ses habitants à long terme, respecte et revalorise son riche patrimoine tout en ancrant son évolution dans une politique de développement durable. À quand Bordeaux Capitale verte de l’Europe ?