Dans le quartier multiculturel de Nørrebro et à Frederiksberg, au nord-ouest du centre-ville, les 6,5 kilomètres d’une ancienne voie ferrée et ses franges sont devenus, en quelques années, le support d’une voie verte cyclable et d’espaces publics, dont l’aménagement concerté avec la population est aujourd’hui mondialement connu et multi-primé. Une succession de réalisations qui place cet ensemble dans la famille des promenades plantées, comme à Paris ou NewYork.
Ligne désaffectée
Ces projets s’inscrivent dans l’histoire, mouvementée et souvent méconnue, des équipements ferroviaires de Copenhague. Le déclassement de la ligne entre les gares de Frederiksberg et Nørrebro, mue en un important nœud ferroviaire, date de 1930, où, pour sécuriser la traversée de la ville par le fret, une ligne en rocade avec une nouvelle station Nørrebro est ouverte à quelques centaines de mètres du tronçon historique, ponctuée de nombreux passages à niveau. En effet, entre 1863, date à laquelle la ligne nord est tracée dans ce qui n’est encore qu’une périphérie de Copenhague, et le début du XXe siècle, Nørrebro passe de 10 000 à 100000 âmes, grâce à l’autorisation de bâtir au-delà des remparts, qui sont alors rasés. Ces années de croissance urbaine voient le réseau ferroviaire structurant se consolider. Son intensification se matérialise par l’alternance de créations ou d’abandons de lignes, entraînant notamment la mobilisation des habitants en 1914 pour conserver les navettes entre Vanløse, à l’ouest, et Frederiksberg, devenu une déviation puis un terminus. Or, cette ligne sera la première à prendre une dimension régionale en 1934.
Reconquête urbaine
La transformation d’usage des espaces ferroviaires est amorcée dès1930. Si l’entreprise de chemins de fer nationale garde la maîtrise d’une partie du foncier pour y installer des infrastructures du tramway, elle loue, puis vend à la ville la zone de fret de l’ancienne gare de Nørrebro. Les 5 hectares du parc de Nørrebro sont livrés en 1940. Il faut attendre 60ans avant d’assister à une métamorphose de l’ancienne infrastructure, qui amorce le renouveau du secteur. En 2002, en amont du réaménagement du parc, une exposition d’architecture et d’art est organisée comme support d’une concertation citoyenne autour des usages souhaités. Les paysagistes de GHB gagnent le concours et les travaux sont finalisés en 2008. Très rapidement, le parc connaît une nouvelle étape d’aménagement, cette fois-ci liée aux travaux de la ligne circulaire souterraine 3 du métro, mise en service en 2019. Ils auront mobilisé, pendant sept ans, près de 40 % de la surface, aujourd’hui replantée. À la gare de Frederiksberg, la ligne aérienne convertie en souterraine avec l’ouverture des premières lignes du métro en 2003, puis celle du métro 3, libère le foncier en surface. Un centre commercial et des équipements publics ouvrent dès 1996 autour d’un espace piéton.
Espace public concerté
Créée en 2008, la voie verte Nørrebroruten borde trois programmes leviers pour le quartier. Il s’agit de Superkilen, Nørrebrohallen et du parc Mimer, identifiés et portés par la ville de Copenhague, en partenariat, depuis 2004, avec Realdania, une association philanthropique opérant dans le domaine de l’environnement bâti. Inauguré en 2011, Superkilen est littéralement le « Super coin », un parc de 3 hectares conçu en 2009 par les architectes de BIG, les paysagistes de Topotek 1 et les artistes de Superflex. Sur 750 mètres de long, les aménagements concertés de la Place Rouge, du Marché Noir et du Parc Vert s’inspirent des cultures des dizaines de nationalités des résidents de Nørrebro et deviennent iconiques. Ouvert directement sur Superkilen, Nørrebrohallen est un ancien dépôt du tramway transformé, dès 1973, en salle de sport. Il accueille, en 1998, la Maison de la culture et des citoyens du quartier. En 2011 s’achève sa restructuration en « centre sportif et culturel du futur », avec salle de sport, espace de congrès de 800 places, restaurant et bibliothèque municipale. Enfin, les 3,8 hectares de la zone DSB, un autre foncier délaissé au pied de la gare de Nørrebro, devient le parc Mimer en 2012, accompagné par un déploiement immobilier, dont une tour de 100 mètres de haut. Si le prix d’architecture Aga Khan, remis en 2016 au projet Superkilen, soulignait « un espace public qui favorise l’intégration interethnique, interreligieuse et interculturelle », toutes ces initiatives ne doivent cependant pas masquer le contexte social, qui reste encore difficile à Nørrebro. En témoigne la récente inscription des îlots situés à proximité de Superkilen sur la liste des 16 ghettos difficiles du Danemark désignés dans le projet gouvernemental Plus de ghettos en 2030, suivi du plan communal Modèle spécial de Copenhague afin de les résorber. Les actions à venir pourront s’appuyer sur les processus à l’œuvre, de transition vers une mobilité alternative à la voiture et de valorisation du cadre de vie avec les habitants.
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⇒ Dossier paru dans Ecologik 64