Renouveau
Quand une entreprise privée souhaite offrir un édifice flambant neuf à l’université de Tokyo, quoi de plus naturel que de recourir aux services d’un des enseignants de celle-ci pour le dessiner ? C’est ainsi que la firme Daiwa House Corporate, spécialisée dans l’équipement de la maison, fait appel à l’agence Kengo Kuma, connue bien au-delà de l’archipel, pour construire le centre de recherche en informatique ubiquitaire du campus. « Informatique ubiquitaire » ? Une locution qui peut paraître bien compliquée pour un domaine qui fait en réalité partie de notre quotidien : celui où l’accès à l’information est rendu facile et permanent par de petits appareils, tels que les Smartphone ou les tablettes, qui tendent à remplacer les ordinateurs.
Dans un pays réputé à la pointe de la technologie, il était logique qu’un centre de recherche soit dédié à cette science nouvelle. Le résultat est une construction de 12 mètres de largeur par 57 mètres de longueur, enserrée entre deux bâtiments, une rue étroite et un jardin japonais appartenant à la maison d’hôtes du directeur de l’université. Ce parallélépipède n’est rompu que par un passage en entonnoir, qui scinde son rez-de-chaussée et laisse transparaître les arbres du parc. Sur cette parcelle étriquée, la faille offre respiration et perspectives visuelles dans un contexte urbain dense.
Optimisation parcellaire
Sur 2 700 mètres carrés et cinq étages, l’agence Kengo Kuma & associés installe uniquement des pièces traversantes : seize laboratoires, un amphithéâtre de 126 places, une galerie pour les expositions temporaires, des salles de cours et de conférences. Au rez-de-chaussée, un café amène la convivialité qui manquait dans ce damier suffocant. Pression foncière oblige, deux niveaux se développent en sous-sol, mais bénéficient tout de même d’éclairage naturel – tant que faire se peut – par le biais d’un long puits de lumière situé en contrebas de la façade ouest.
En équilibre instable
Pour dynamiser le bâtiment et ses environs, l’agence Kengo Kuma dessine une façade sur rue inclinée, habillée de strates de bois verticales, qui semble nous inviter à l’effeuiller. Cette déclivité est reprise en sous-face, le plancher du premier niveau s’abaissant lui aussi vers l’angle sud-est, afin de reprendre la pente de l’auditorium situé au-dessus. Grâce à l’apparente légèreté structurelle permise par des poteaux périphériques et un noyau en béton – contenant circulations et sanitaires –, l’équilibre ne semble tenir qu’à un fil.
Écailles boisées
Afin de protéger les deux longues façades vitrées, des brise-soleil ont été installés : grilles métalliques avec plâtre projeté de trois teintes différentes (blanc, beige et marron) pour la façade ouest ; bardeaux ajourés en bois côté est. Ces planchettes de cèdre issues de la région de Tokyo amènent de la douceur au campus minéral. Une impression renforcée par le parement de la sous-face du bâtiment, où ces mêmes tavaillons sont posés selon des inclinaisons variables, à l’image d’un plumage aérien. Le chaleureux matériau se retrouve dans les revêtements intérieurs, notamment dans l’auditorium, où des panneaux de contreplaqué de résineux apportent une amélioration acoustique.
Sous le plumage
Si la composition stratifiée de la façade principale semble régie par le hasard, elle est pourtant le résultat d’un savant assemblage de planchettes de quatre dimensions différentes, de 60 à 110 millimètres de largeur – section maximale pour permettre l’application du traitement anti-feu. Ces bardeaux en cèdre sont assemblés en quatre familles de panneaux de largeur différente, elles-mêmes divisées en trois catégories en fonction du pourcentage d’occultation (de 31 % à 43 %) qui croît ou décroît suivant la présence de vitrages. Ainsi, en partie haute des baies, l’espacement entre les pièces de bois est plus importante qu’en partie aveugle, afin de laisser passer la lumière naturelle. Cet effet de gradation, quasi imperceptible à l’œil nu, donne au projet toute sa justesse. Une délicatesse toute nippone, pour cet architecte de la superposition, de la transparence et de la rationalité, mêlée à une légère dose d’aléatoire.